Un lépreux vient vers Jésus alors que le contact avec ces gens-là est interdit par la loi, pour éviter la contamination ; aujourd’hui, en 2021, nous savons aussi ce que veut dire « distanciation physique » mais cet homme n’a pas d’autre espoir que de venir rencontrer Jésus : il ne sait plus quoi faire de lui. En tant que victime, sa souffrance lui fait franchir toutes les barrières, même si c’est très dur pour lui. Cette lèpre qui le ronge physiquement, n’est-elle pas aussi le symbole du péché qui détruit le cœur même de l’homme, n’est-elle pas le symbole de la misère du monde d’aujourd’hui qu’à certains jours nous ne voulons pas voir ?
A l’époque de Jésus, non seulement on s’écartait des lépreux, mais on les chassait loin des villes pour éviter la contagion, et quand ils s’approchaient par hasard des lieux habités, ils devaient agiter une sorte de crécelle pour signaler leur présence, pour qu’on ait le temps de les fuir. A cette époque-là, on condamnait la victime en voulant guérir son mal. Or, sans négliger les « gestes barrières » qui sont là pour éviter la contagion, Jésus a voulu nous montrer que ce lépreux demeurait une personne humaine et qu’il devait être accueilli en tant que tel comme le font les soignants aujourd’hui en accueillant les malades dans les hôpitaux.
Nous percevons tout de suite que Jésus, avec son sens de la vie humaine, ne pouvait pas rejeter cet homme qui venait à lui avec son mal : il l’accueille même avec sa lèpre. « Jésus étendit la main et le toucha ». C’est la main de Dieu qui se fait proche de tout être humain quel qu’il soit, et à plus forte raison si celui-ci est victime du Mal…. Un Dieu qui est Amour… qui est pardon… qui est résurrection…Jésus s’approche des plus grands blessés de la vie…pour qu’ils se relèvent.
Je vous invite à regarder de près ce qui s’est passé dans cette scène telle que l’a décrite saint Marc : d’abord, le lépreux (dont on ne connaît pas le nom : la maladie dépersonnalise souvent) oublie qu’il fallait rester à distance. C’est lui, le premier, qui vient aux genoux de Jésus, et dit des choses pleines de confiance : « Si tu le veux, tu peux me guérir. » C’est le lépreux qui, le premier, franchit les barrières, au risque d’être encore plus rejeté par ceux qui sont là et qui ont peur d’être contaminés… mais nous pouvons remarquer, dans cette démarche, l’envie de vivre de cet homme en demandant la guérison. Aussi, il sait qu’il ne peut rien faire de par lui-même : il s’en remet totalement à Jésus, dans une grande confiance : « si tu le veux, tu peux me guérir. » Et nous, avons-nous la même envie de vivre, d’être délivré de notre mal, quel qu’il soit ?
Essayons de regarder ce qui va se passer par la suite : « Jésus étend la main… et le touche ». Jésus fait là un geste que font les soignants pour aider la personne qui souffre, à guérir de sa maladie et surtout à toucher son cœur. Bien sûr, il ne s’agit pas de faire fi des « gestes barrière » demandés, -ce serait alors un parfait contre-témoignage- mais, en touchant ce lépreux, Jésus fait juste un geste qui veut traduire l’Amour inconditionnel de Dieu pour cet homme, qui reste une personne humaine par delà sa maladie : un geste qui est aussi le signe de l’amour de Dieu pour toute personne, quelle que soit sa situation ou sa misère, quelle que soit sa situation sociale, matrimoniale ou religieuse. Jésus n’est pas venu seulement pour les bien-portants, il est venu pour les pécheurs et les malades, et aussi pour toutes les personnes qui ne sont pas dans les normes officielles de nos sociétés humaines.
Pour Jésus, l’amour de Dieu pour chaque être humain n’a pas de frontières. Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’une maladie contagieuse, il est évident de respecter scrupuleusement les gestes barrières demandés, mais d’autre part, nous ne devons pas oublier que nous sommes devant une personne humaine qui aspire, de toutes ses forces, à vivre. Une guérison, comme un pardon, rejoint toujours un être humain qui a un cœur et qui doit être respecté dans sa dignité et son intégrité. Pour guérir une personne, nous avons besoin de la rencontrer… sinon la vie ne peut pas se communiquer. Nous reconnaissons dans l’engagement de Jésus envers ce lépreux, tous les engagements des soignants d’aujourd’hui qui font de leur vie un don de leur personne pour la vie des autres. Aussi, ils deviennent, auprès des malades, signes de tendresse au nom des proches qui, eux, ne peuvent pas le vivre comme ils le souhaiteraient.
Qui que nous soyons, dans la situation qui est la nôtre aujourd’hui, et après avoir franchi une première barrière ou fait un premier pas très dur en tant que victimes au risque d’être encore plus rejetés, Dieu vient nous toucher au plus profond de notre cœur et nous dit : « Je le veux, sois purifié » … c’est-à-dire : « Je t’accueille comme tu es…N’aie pas peur de dire ta souffrance… ! Dieu a pour toi une miséricorde infinie… » N’ayons pas peur de la main de Dieu sur nous ! C’est la main d’un Père miséricordieux pour toutes les victimes que nous sommes ! Et prions pour toutes ces personnes qui se sentent victimes aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre : qu’avec l’aide de tous, elles puissent retrouver la confiance en elles, la confiance en la vie, la confiance dans les autres ! Que le geste de Jésus qui est un geste de réhabilitation au sein de la société, puisse être continué par chacun(e) de nous !
Louis Morandeau