Le siècle de Marie-Eustelle

En 1814, la France sort de la Révolution. A Saintes comme ailleurs, l’Eglise a beaucoup souffert. Alors que le Concordat a réorganisé les diocèses meurtris par la Terreur et ses séquelles, de nombreux bâtiments sont ruinés, les prêtres manquent et beaucoup d’églises sont vides… La région de Saintes ne figure pas parmi les plus pratiquantes ; la plupart des habitants ne font pas leur première communion, la moitié des mariages s’effectue civilement.

Le sentiment religieux n’est pas mort pour autant. Ce XIXe siècle est un temps de renouveau pour l’Eglise en France. Beaucoup de congrégations religieuses voient le jour, on fonde des écoles, des orphelinats et des hôpitaux, des missionnaires partent pour tous les continents. Marie-Eustelle, laïque, mystique, humble lingère qui met Jésus et l’eucharistie à la première place dans sa vie, ignore encore, même si elle exhorte sans cesse ses contemporains à se tourner vers Jésus, que ce siècle sera celui de la ferveur. De nombreuses initiatives apparaissent pour mieux aimer le Christ, réellement présent dans les hosties consacrées pendant la messe : on célèbre la Fête-Dieu avec plus de faste, l’adoration du Saint Sacrement se répand. C’est également une époque où les laïcs s’investissent davantage dans la vie de l’Eglise.

C’est le temps de saint Pierre-Julien Eymard, apôtre de l’Eucharistie, qui raconte en 1845 avoir été touché par la vie et les écrits de Marie-Eustelle : « Les impressions que j’en retirai alors sont devenues pour moi un de ces souvenirs de grâce qu’on n’oublie jamais ». Il sera béatifié en 1925 et canonisé en 1962. Hermann Cohen, pianiste à la vie débridée, fut converti par les mêmes écrits et baptisé en 1847, il fit en 1855 le voyage jusqu’à Saintes afin de se recueillir sur son tombeau avant d’entrer chez les Carmes et devenir l’auteur de mélodies religieuses connues. De même Jean-Marie Vianney le saint curé d’Ars, Pauline Jaricot, Frédéric Ozanam, et 60 ans plus tard sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et le bienheureux Marie-Joseph Cassant… sont autant de grandes figures qui résonnent avec celle de Marie-Eustelle.

Lettre de St Pierre-Julien Eymard au P. Mayet

Paris, 29 septembre 1862

J’ai lu, cher ami, il y a quinze ans, la vie et les lettres de Marie-Eustelle. Les impressions que j’en retirai sont devenues pour moi un de ces souvenirs de grâce qu’on n’oublie jamais. Je puis même dire que ce fut comme l’aurore d’une faveur insigne…

Depuis je me suis tous les jours recommandé aux prières de cette sainte amante de la divine Eucharistie.

Je suis convaincu que la vierge de Saint-Pallais a été le précurseur de ce triomphe du culte de l’adorable Eucharistie dont nous sommes les témoins et que si l’on recueillait de ses lettres les divers sentiments de piété qui l’animaient, on ferait un pieux et délicieux manuel d’adoration. Les sentiments des saints ont une onction de piété inimitable, on dirait qu’ils sont encore vivants et enflammés de leur première ferveur ; voilà pourquoi je fais ce vœu.

Je vous félicite, cher ami, d’avoir une si belle mission. Vous allez faire revivre cette touchante vie, la compléter et nous la rendre plus chère et plus vénérable. Je ne vous en remercie pas : votre cœur doit y trouver une douce récompense.

St Pierre-Julien Eymard (1811-1868)

Fondateur de la Société du Saint-Sacrement

Bienheureux Père Marie-Joseph Cassant

Le jeune moine trappiste écrivit : « L’eucharistie est le seul bonheur de la terre »

Il choisit la même devise que Marie-Eustelle : « Tout pour Jésus »

Il fut béatifié en 2004 par Jean-Paul II

 

Discours du Pape Jean Paul II, lors de la cérémonie de béatification en 2004 :

« Le Frère Joseph-Marie a toujours mis sa confiance en Dieu, dans la contemplation du mystère de la Passion et dans l’union avec le Christ présent dans l’Eucharistie. Il s’imprégnait ainsi de l’amour de Dieu, s’abandonnant à Lui, “le seul bonheur de la terre”, et se détachant des biens du monde dans le silence de la Trappe. »

Bx Père Marie-Joseph Cassant (1878 – 1903)

Extraits des écrits d’Hermann Cohen

Je voudrais que l’Eucharistie fût pour votre âme un foyer, un brasier, où elle puisse se plonger pour en ressortir toute enflammée d’amour et de générosité.
Je ne connais qu’un plus beau jour que celui de la première Communion, c’est celui de la
seconde Communion, et ainsi de suite.
Jésus-Christ aujourd’hui, c’est la divine Eucharistie… Aujourd’hui je suis faible, j’ai besoin d’une force qui me vienne d’en-Haut pour me soutenir, et Jésus descendu du ciel se fait Eucharistie, c’est le pain des forts.
Aujourd’hui je suis pauvre… J’ai besoin d’un abri pour me mettre à couvert, et Jésus se fait maison… C’est la maison de Dieu, c’est le portique du ciel, c’est l’Eucharistie.
Aujourd’hui je suis malade. J’ai besoin d’un baume bienfaisant pour panser les plaies de mon âme, et Jésus se répand comme un onguent précieux sur mon âme en se donnant à moi dans l’Eucharistie…
Je suis découragé, il me relève ; je suis attristé, il me réjouit ; je suis seul, il vient demeurer avec moi jusqu’à la consommation des siècles ; je suis dans l’ignorance, il m’instruit et m’éclaire ; j’ai froid, il me réchauffe d’un feu pénétrant ; mais plus que tout cela, j’ai besoin d’amour, et aucun amour de la terre n’avait pu contenter mon cœur, et c’est alors surtout qu’il se fait Eucharistie ; et il m’aime, et son amour me rassasie, me remplit et me plonge dans un océan de charité. Oui, j’aime Jésus, j’aime l’Eucharistie. Jésus, Jésus aujourd’hui, c’est Jésus avec moi… Ce matin à l’autel, il est venu, il s’est donné, je l’ai, je le tiens, je l’adore. Il s’est incarné dans mes mains… C’est mon Emmanuel, c’est mon amour, c’est mon Eucharistie.

Si le roi David dansait, composé par Martin Szersnovicz, sur des paroles d’Herman Cohen, par le choeur Gaudete – Notre Dame de l’Arche d’Alliance.

Hermann Cohen - Fr. Augustin-Marie du Saint-Sacrement (1820-1871)

Jésus a vainement crié aux hommes de notre siècle ce qu’il avait dit avec une si véhémente expression de charité à la Samaritaine : Ah ! si vous connaissiez le don de Dieu et qui est Celui qui vous demande à boire… Ô hommes, si vous connaissiez celui qui vous a dit sur la croix : « J’ai soif », non seulement vous lui donneriez votre cœur dont il est altéré, mais vous lui demanderiez  les eaux de son cœur plein de charité. Alors seulement serait calmée pour toujours la soif que vous avez d’être heureux.

Lettre de Pauline du 1er mai 1837

Cœur adorable de Jésus, vous êtes le principe de la divine Eucharistie, chef-d’œuvre de l’Amour infini. Que dirai-je Seigneur Jésus ? Par ce sacrement, vous avez trouvé le moyen d’unir l’homme si intimement à vous que, ne faisant plus qu’un avec lui, votre cœur devient le principe de sa vie spirituelle.

Bienheureuse Pauline Jaricot (1799-1862)

« Il n’y a rien de si grand que l’Eucharistie. »

« Il est là celui qui nous aime tant ! pourquoi ne l’aimerions-nous pas ? »

« La nourriture de l’âme, c’est le corps et le sang d’un Dieu. Il y a de quoi, si l’on y pensait, se perdre pour l’éternité dans cet abîme d’amour !… »

« Venez à la communion, venez à Jésus, venez vivre de lui, afin de vivre pour lui. »

« La communion fait à l’âme comme un coup de soufflet à un feu qui commence à s’éteindre, mais où il y a encore beaucoup de braises ! »

« Ne dites pas que vous n’en êtes pas digne. C’est vrai : vous n’en êtes pas digne, mais vous en avez besoin. »

Saint Jean-Marie Vianney (1786-1859)

Curé d'Ars

“Je vous demande de venir prendre possession de mon âme…Ah ! je ne puis recevoir la sainte communion aussi souvent que je le désire mais, Seigneur, n’êtes-vous pas le Tout-Puissant ? Restez en moi comme au tabernacle ; ne vous éloignez jamais de votre petite hostie. ”

“ Quand je suis près du tabernacle, je ne sais dire qu’une seule chose à Notre-Seigneur : « Mon Dieu vous savez que je vous aime », et je sens que ma prière ne fatigue pas Jésus. Connaissant l’impuissance de sa pauvre petite épouse, Il se contente de sa bonne volonté ” (LT 152)

Saint Thérèse de l'Enfant-Jésus (1873-1897)

Pourquoi craindrais-je Dieu ? je L’aime tant.

Si nous ne savons pas aimer Dieu… car il semble qu’il faille voir pour aimer et nous ne voyons Dieu que des yeux de la foi, et notre foi est si faible! Mais les hommes, mais les pauvres, nous les voyons des yeux de la chair! Ils sont là et nous pouvons mettre le doigt et la main dans leurs plaies et les traces de la Couronne d’épines sont visibles sur leur front; et ici l’incrédulité n’a plus de place possible, et nous devrions tomber à leurs pieds et leur dire avec l’apôtre: “Tu es Dominus et Deus meus”. Vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs, vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas, et ne sachant pas l’aimer autrement, nous l’aimerons en vos personnes…

Bienheureux Frédéric Ozanam (1813-1853)