Pour les victimes d’abus.
Pape François
Prions pour tous ceux qui souffrent à cause du mal commis par des membres de la communauté ecclésiale : afin qu’ils puissent trouver dans l’Église elle-même une réponse concrète à leur douleur et à leur souffrance.
En mars 2021, les évêques français réunis en Assemblée plénière ont décidé de consacrer une journée à la mémoire de ces faits et à la prière pour les personnes victimes, chaque année. Cette Journée de prière pour les personnes victimes de violences et agressions sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église a lieu le vendredi de la 3ème semaine de Carême. En 2023, ce sera le 17 mars.
Quelle retenue dans l’intention du pape « pour les victimes d’abus » ! Les mots mêmes du titre ne se retrouvent pas dans le texte. Qui sont les victimes ? Des enfants, des adultes ? Quels maux sont pointés ? Des violences sexuelles, des abus d’autorité, de la manipulation, un silence complice ? Qui en sont les auteurs ? Des prêtres, des religieux, des consacrés ? Cherchez dans la communauté ecclésiale ! Que signifie « réponse concrète » ? Une écoute, une indemnité financière, des célébrations de demande de pardon, des protocoles rigoureux pour l’avenir ? Ce n’est pas précisé. Il est difficile d’ouvrir plus large le champ désigné dans le titre et chaque agression s’estompe dans le lointain du paysage. D’aucuns voudront reconnaître là le langage de buis ecclésial qui ne veux pas appeler un chat un chat, qui banalise ainsi les actes commis et inflige de nouvelles blessures à cause de son insignifiance.
Le pape n’instruit pas ici un procès, il invite à la prière pour tous ceux qui souffrent et cherche à ouvrir un chemin. Il connaît la gravité de ce qui s’est passé et se passe dans l’Église. Lui-même a pu penser que des accusations étaient fausses ; mieux informé, il a demandé pardon. Il n’est pas à l’abri de pouvoir blesser des gens.
Les souffrances et les blessures ne sont pas comparables. S’il peut y avoir une certaine objectivité du mal commis, chacun le ressent à l’intime d’une manière unique et en partie indicible. Les premiers à qui il faut penser sont les enfants dont l’innocence a été piétinée ; celles et ceux dont la confiance a été trahie. Qu’ils puissent trouver des mots et des oreilles attentives pour dire ce qui cherche à venir au jour pour enfin sortir de la mort. Il y a aussi la souffrance des proches. Il y a la colère de ceux qui sont dégoûtés. D’une manière différente, il y a la souffrance de ceux qui savent qu’ils ont blessé, la souffrance de ceux qui avaient la responsabilité d’intervenir et qui ne l’ont pas fait ou qui l’ont mal fait. Il y a la souffrance éprouvée à cause de la trahison du message évangélique, à cause de l’Église salie. Il y a enfin la souffrance de compassion pour tant de victimes.
Dans le mot ‘tous’ utilisé par le pape, entendons que personne ne sort indemne de ces maux. Qui n’a pas été blessé, qui n’a pas été offenseur ? ‘Tous’, c’est l’Église entière, et c’est chacun parce que chacun est l’Église à la place qui est la sienne. Qu’un immense cri silencieux nous saisisse ‘tous’ ! Seul le silence peut dire à la fois la souffrance, la honte, l’horreur, le dégoût, la demande de pardon. La mise en croix de Jésus est contemporaine. Elle s’accomplit au cœur de son Église en toutes les victimes d’abus. Jésus en sa souffrance les rejoint toutes. Avec Pierre, avec le pape, qu’il soit aussi donné à tous de pleurer amèrement en croisant le regard du Bien-Aimé. Alors l’Église elle-même, victime en ses victimes, coupable en ses coupables, trouvera une réponse concrète en Celui qui la sauve.
Daniel Régent sj. – Réseau Mondial de Prière du Pape