Messe de la nuit du 24 au 25 :
Is 9, 1-6; Ps : 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc; Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14
“La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut des hommes” de la manière la plus étonnante, la plus inattendue, dans le mystère d’une naissance. Quel est cet enfant qui vient nous visiter ? Nombreux sont ceux qui, au fil du temps, se sont interrogés sur cette naissance ! Une certitude demeure pour le croyant : cet enfant est l’enfant de l’espérance, l’enfant de la promesse. Il est celui que des générations ont attendu, il est le sauveur qui surgit dans le cours de l’histoire des hommes pour en infléchir la courbe qui inexorablement débouchait sur la mort. Le récit de la Nativité n’est pas un récit historique au sens moderne du terme. Ce n’est pas récit de journaliste, un reportage sur le vif ; il est bien plus que cela. Il s’agit d’un regard de foi porté sur l’histoire des hommes sur notre histoire. Dieu s’est incarné un jour du temps, un jour de l’histoire que l’évangéliste Luc prend la peine de situer avec précision. Dieu s’est penché sur l’humanité pour la visiter au temps d’Auguste et de Quirinius, et depuis il ne cesse de se pencher sur elle pour la visiter puisqu’à chacune de nos célébrations eucharistiques, Jésus se donne, il vient à nous. Cette nuit de Noël n’est pas seulement le rappel d’un événement historique, le sauveur du monde vient nous rejoindre aujourd’hui, ici, maintenant. Il vient pour chacun de nous, dans cette terre que nous appelons Terre Sainte, mais aussi sur notre terre de Charente- Maritime, sur toute la terre. L’ Eglise fixe son regard sur le Jésus de l’histoire pour y découvrir le Jésus de la fin des temps, le Christ qui, un jour, récapitulera toute la création et toute l’histoire en lui. Chacun de nous a une place unique, une place particulière, une place que nul autre ne peut occuper dans cette histoire du salut. Dans les crèches provençales, nous voyons chaque artisan, chaque berger, chaque homme, chaque femme, cheminant avec ce qu’il est, sa beauté et ses laideurs, sa richesse et ses pauvretés, sa sagesse et ses folies, pour venir déposer toute sa vie au pied du nouveau-né de Bethléem et chanter avec la terre entière “Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur”. Prenons cette place qui est la nôtre dans la longue histoire du Salut, adorons l’Enfant qui vient à nous car nous sommes le peuple saint qu’il a racheté. Annonçons cette nouvelle merveilleuse et vraie au pauvre, au malade, à celui qui seul cherche le sens de sa vie : un Fils nous est donné et ce Fils est notre sauveur !
Notre cœur est le royaume de Jésus
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi”. C’est bien à notre monde que s’adresse ce texte. Les ténèbres semblent tomber sur notre terre. L’année 2021 fut porteuse de son lot de misères, de scandales. Nous nous sommes aperçus en Église que nous avons manqué d’esprit de prophétie en faisant comme tout le monde, comme la société civile. Nous n’avons pas révélé en temps opportun les méfaits commis par certains prêtres ou laïcs. Les décisions prises pour la réparation et pour la prévention sont bonnes et porteront du fruit. Au niveau international, l’augmentation de la population en Afrique, la menace de famine, les flux migratoires attendus pour les années qui viennent sont des défis à relever. La vie et la sécurité de dizaines de millions d’hommes sont menacées. Les dérèglements climatiques jettent sur les routes des milliers de nos contemporains chaque jour. Nos propres vies ne furent pas épargnées par les deuils, les maladies, la pandémie, les angoisses face à l’avenir.
Et voici qu’en cette nuit se lève une lumière si puissante qu’elle sera capable de dissiper les ténèbres, d’apporter la paix et la stabilité, de faire advenir la joie. Et quelle est cette grande lumière ? C’est un tout petit enfant couché dans le froid d’une étable, réchauffé par la chaleur des animaux et la tendresse de ses parents. Né dans une étable parce qu’il n’y avait pas de place pour lui à l’hôtellerie. Certains veulent chasser les crèches de l’espace public. Chasser la crèche, c’est chasser l’amour !
Le psaume nous rappelle que toute la création perçoit le salut à l’œuvre en notre monde. La terre et le ciel, tous les peuples et toutes les créatures, la mer et la forêt, exultent de joie, sont invités à chanter au Seigneur. Le Saint Père dans l’encyclique Laudato Si nous invite à respecter, à protéger notre terre, à transmettre la beauté de la création aux générations futures. Un jour enfin l’humanité toute entière aura mis sa confiance dans le Seigneur, et la face du monde s’en trouvera transfigurée.
Noël conduit l’homme à faire le bien !
Dieu s’est fait homme et “la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes”, nous dit Saint-Paul. Dès lors, notre manière d’être en ce monde s’est trouvée modifiée. Il y a bien un avant et un après l’Incarnation, car Dieu “s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien”, comme l’écrit Paul à son compagnon Tite. Faire le bien, voilà ce qui est le signe de l’homme transformé par la grâce de Dieu. Ce bien dont nous sommes capables, c’est notre part de travail attendue de Dieu pour le salut du monde, c’est notre dévouement…
Dieu a besoin de notre conversion pour que l’humanité entière entre dans le chemin de la rédemption. N’ayons pas peur d’être des chrétiens qui vivent de la liberté de l’esprit de leur baptême. Ne nous laissons pas impressionner par l’appauvrissement du débat public qui fait peu de cas de la vie humaine, des droits de l’homme. Nous, chrétiens, sommes invités à suivre un chemin de dignité, celui du Christ ! Notre Dieu est né dans une crèche, il est mort sur une croix pour ressusciter. Nous le savons ; des langes de la crèche au linge du tombeau vide, il nous trace un chemin d’humilité qui fait taire toute forme de peur ou d’orgueil. Surmontons nos divisions, faisons taire nos haines, travaillons pour un monde plus juste et pacifié, unissons-nous autour de Jésus et rendons témoignage de notre foi dans l’accomplissement des promesses de Dieu “attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ”. Recherchons dans nos vies de quelle manière nous pouvons faire le bien ! J’ai célébré la messe dans les deux établissements pénitentiaires de l’Ile de Ré samedi dernier et à Bédenac, je peux vous assurer que nos frères chrétiens qui visitent régulièrement les prisonniers savent ce que ce que signifie : faire le bien …. Nous pourrions trouver de nombreuses illustrations de la façon de faire le bien en commençant par la vie de nos familles…
L’ enfant de la crèche dans sa petitesse, c’est l’appel divin lancé à l’humanité.
Le prophète Isaïe avait annoncé une immense lumière capable de déchirer toutes les nuits. La promesse s’accomplit en la personne d’un tout petit enfant couché dans une étable. Dieu est là, dans l’humilité et la vulnérabilité. Dieu ne veut pas faire peur aux hommes. Il connaît leur faiblesse et leur péché et il s’approche d’eux avec délicatesse. C’est de nous qu’il attend des signes d’amour, lui qui est l’Amour, c’est de nous qu’il attend des signes de fraternité, lui qui est l’Ami, c’est de nous qu’il attend des preuves de confiance, lui qui est l’Espérance.
Mais nous, comment accueillons-nous cette tendresse ? Ouvrons-nous nos cœurs pour nous laisser trouver par Dieu ? Demeurons-nous enfermés dans la citadelle de nos certitudes, dans la prison de nos peurs, dans le confort de la médiocrité ambiante et de notre péché ? Permettons-nous à Dieu de nous aimer, nous laissons-nous convertir, transformer, remodeler par cet amour ?
La nuit du monde est profonde et le cri qui la déchire est celui des pauvres, des désespérés, celui de nos frères chrétiens d’Orient qui comme Marie, Joseph et l’enfant Jésus prennent la route de l’exil. L’humanité a besoin de sens. Ne soyons pas les complices de la mondialisation de l’indifférence que dénonce le Saint-Père. Si nous nous laissons convertir jusqu’au plus intime de nos vies, nous deviendrons les missionnaires de l’Amour, les apôtres de Dieu qui ne cesse de venir visiter ce monde pour le sauver.
Contemplons l’Enfant de la crèche et demandons-lui cette grâce de la conversion. Dès cette nuit répondons à l’appel du pape François “J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce que personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur” (La joie de l’Evangile n°3).
Pour nous aider, Marie notre mère est là. “Elle est la petite servante du Père qui tressaille de joie dans la louange. Elle est l’amie toujours attentive pour que le vin ne manque pas dans notre vie. Elle est celle dont le cœur est transpercé par la lance, celle qui comprend toutes les peines. Comme mère de tous, elle est signe d’espérance pour les peuples qui souffrent les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que naisse la justice.
Joyeux Noël, chers frères et sœurs, demeurez dans le cœur de Jésus, contemplez sa tendresse et vous ferez le bien !
Messe du jour :
Is 52, 7-10; Ps : 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; He 1, 1-6; Jn 1, 1-18 ou 1, 1-5.9-14 (lecture brève)
Cette nuit nous entendions le récit de la Nativité et nous pouvions voir les bergers adorer l’enfant nouveau-né, contempler la crèche et son humilité. Avec les bergers nous étions spectateurs du plus inouï des événements de l’histoire des hommes, l’Incarnation de Dieu. Ce matin la liturgie nous invite à pénétrer dans un autre mystère, intimement lié au premier, celui de notre rédemption. Car cet enfant nouveau-né n’est pas un enfant ordinaire. Dieu, fils de Dieu, il est celui par qui et pour qui tout ce qui vit, a vécu, vivra ici-bas, trouve son sens. Conçu de l’Esprit Saint il nous fait don de cet Esprit pour nous permettre de pénétrer dans le mystère trinitaire que nous confessons avec notre foi. C’est en cela que l’événement de Noël comme celui de Pâques nous concerne directement, ici et maintenant. Il est bien plus qu’un événement historique digne d’être commémoré. L’enfant de la crèche nous fait signe et nous appelle aujourd’hui à vivre pas à pas avec lui la joie de l’Incarnation puis à avancer sur la route de nos vies comme il a lui-même avancé sur les routes de Palestine. Regardons en face sans désespérer les croix qui ne manqueront pas de se présenter. Consentir à être des disciples qui sont pour tous, non des modèles d’une quelconque perfection morale, mais des hommes en marche, le regard tourné vers Jésus qui se donne et qui sauve. Jésus est né un jour de l’histoire, il a vécu, enseigné, guéri, pardonné, et a livré sa vie pour qu’aujourd’hui nous puissions marcher à sa suite et être des signes sur la route des hommes. C’est du plus profond de notre humanité que Lui, le Dieu incarné, nous appelle. Puisse la Lumière de Noël déchirer en vérité toutes le ténèbres de nos vies et faire de nous des témoins des merveilles de Dieu.
Emerveillés parce que sauvés et envoyés en mission !
Ce jour de Noël est le jour de l’émerveillement. Voici que la promesse de Dieu a pris corps, voici que la rédemption promise a fait sa maison au milieu des hommes. “Éclatez en cris de joie” nous dit Isaïe, “car le Seigneur console son peuple”. Nous savons bien que cette joie n’est pas uniquement destinée à Jérusalem et au peuple hébreu. Isaïe le savait déjà : “Le Seigneur a montré la sainteté de son bras aux yeux de toutes les nations. Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu”.
Croyants, nous sommes des privilégiés, mais puisque nous le sommes vraiment, nous sommes envoyés en mission. Aujourd’hui, nous qui avons reçu l’héritage de la foi, nous qui, par la fréquentation des sacrements et la méditation de la Parole, sommes entrés en amitié avec Dieu, nous devons accepter l’envoi en mission. Etre missionnaires de la Bonne Nouvelle, être messagers de la Paix, telle est la vocation du chrétien. Il y a encore tant de “lointains” à rejoindre : les peuples qui n’ont pas encore reçu la Révélation de Jésus Christ, mais aussi les périphéries dont parle le pape François, les pauvres, les sans voix, les désespérés de nos villes et de nos villages. A ceux-là la Bonne Nouvelle de Noël n’a pas encore était annoncée.
C’est la même joie d’être sauvé qui émerveille le psalmiste, avec le même souci des nations, toutes appelées au salut. Les hommes qui se savent sauvés, célèbrent, chantent et louent la fidélité de Dieu.
Et nous, personnellement et en Eglise, sommes-nous suffisamment porteurs de cette joie de croire et de se savoir sauvés ?
Jésus est notre joie
Quelle tendresse, quel réconfort, quelle joie, émanent de ce nouveau-né ! Venons à la crèche et, comme les bergers et les mages, adorons en silence l’Homme Dieu. Jésus ne descend pas de la droite du Père les mains vides ; il vient chargé de dons précieux, mais saurons-nous les recevoir ? Ces dons, ce sont des grâces d’illumination pour mieux comprendre les mystères de la foi, des grâces de forces pour porter au monde le message de l’Evangile, des grâces de conversion pour que nous mettions nos pas dans les pas du Seigneur. Toutes ces faveurs embaument l’âme de la joie de la crèche qui est une joie simple, dépouillée, spirituelle, mais combien plus authentique que les plaisirs factices de cette vie et les illusions de notre société, hélas gagnée par l’indifférence et l’individualisme. Exposons à la lumière de Noël les grandes souffrances de notre temps : la guerre, la faim, la misère qui sévissent dans certains pays du monde ; la misère spirituelle de notre Europe déchristianisée ; la solitude et le drame du péché qui peuvent nous accabler ; les lois qui décomposent la cellule familiale ou bafouent le don précieux de la vie, menacée du début à la fin. Les premières victimes de cette décomposition de la cellule familiale sont bien sûr les couples et les enfants. Aujourd’hui, faisons le pari de la lumière : acceptons de considérer en vérité notre destinée et de rechercher le bonheur à partir d’une interrogation saine et libre de tout calcul et qui ne fait pas l’impasse sur les sujets difficiles : qui suis-je ? Quel sens je veux donner à ma vie ? Quelle place j’accorde au Seigneur dans mon quotidien ? Quelle place j’accorde à mon frère ? Comment réveiller mon pays, la France, l’Europe, union de nations aux racines chrétiennes ?
La Parole de Dieu se fait homme : nous sommes invités au dialogue, à la rencontre
C’est de cet homme, ce messie, du Christ que nous parle Jean. Nous sommes loin du bébé de la crèche- et pourtant c’est la même personne. Jean nous ramène à la genèse du monde. Dans le tout petit Enfant de la Vierge, c’est le Verbe de Dieu qui s’est fait chair. Le Verbe était tout entier tourné vers Dieu dès l’origine, en dialogue d’amour. La création, jusqu’à nous aujourd’hui, est le fruit de ce dialogue amoureux. La vocation définitive des hommes, c’est de participer en conscience à ce dialogue avec Dieu. Depuis l’Incarnation, ce n’est plus à la Loi que nous sommes soumis. Nous sommes invités à une rencontre, à une conversation, à un partage. A Noël la Parole de Dieu vient dialoguer avec nous. Prenant la condition humaine dans toutes ses dimensions, Dieu a voulu avoir besoin des hommes et c’est pourquoi : “Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin”. Etre témoin “pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.” Voilà la mission des disciples, voilà notre mission. Car la Bonne Nouvelle de Noël, nous ne pouvons pas la garder pour nous ! ” L’amour du Christ nous presse” dira Paul (2 Co 5, 14) et “Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! “(1 Co 9, 16).
Joyeux Noël, chers frères et sœurs, restez émerveillés par la rencontre de Dieu, Parole qui prend un chemin d’humilité, le chemin de l’homme, en ce jour de Noël. Parole incarnée qui nous invite à la rencontre, qui nous envoie en mission !