Homélie du 5 janvier 2020 – ordination diaconale de Brice Degbey

5 Jan 2020

Nous sommes rassemblés en ce jour de fête, chers amis, pour célébrer l’ordination diaconale de Brice qui, selon l’expression du pape François, a choisi le risque ! Le diacre est par excellence un serviteur. La liturgie nous a offert récemment deux grands modèles : St jean Baptiste et St Etienne. On peut remarquer que ce qui caractérise ces deux grands saints est la vertu d’humilité. L’efficacité de leur prédication se résume à cela. Ils annoncent le Christ : ils ne s’annoncent pas eux même. Le diacre doit s’effacer pour montrer le Christ et ce dernier rendra ainsi sa prédication efficace. Brice, vous êtes ici parce que vous aimez le Christ et vous souhaitez l’annoncer, annoncer la vérité que nous transmet l’Eglise. La vérité : C’est justement ce que recherchaient les rois mages que nous fêtons aujourd’hui. Ces hommes de science et de culture ont cherché, sans relâche, la vérité. Ils ont même tout quitté pour aller à sa rencontre en s’engageant sur des routes inconnues et peut être périlleuses. Ils ont probablement subi l’incompréhension ou les moqueries : Pourquoi entreprendre un tel voyage dont le but est incertain ? Oui, ils ont pris le risque de tout perdre dans le monde mais ils ont gagné bien plus et ont pu adorer l’enfant Jésus. Dieu leur a ouvert un avenir, ces rois païens ont vu leur sauveur auquel ils ont offert l’or, la myrrhe et l’encens.

Dieu nous met en route et nous ouvre un avenir

Frères et sœurs, en ce jour de fête l’Eglise nous offre de contempler la première épiphanie du Seigneur au monde, celle d’un nouveau né. La sagesse populaire de notre vieille France aimait à dire jadis, qu’en chaque enfant qui naît, la vie se renouvelle. Cette maxime signifie bien ce que de nombreux contemporains ressentent devant leur vie qui avance, le sentiment que les enfants possèdent ce que les anciens semblent avoir perdu, un avenir. Cet après-midi, en cette cathédrale Saint-Pierre, frères et soeurs, nous ne contemplons pas l’avenir offert au petit Jésus comme devant chaque nourrisson, avec la nostalgie qui y est souvent liée, celle de notre propre enfance ou de notre prime jeunesse avec ses promesses de vie.  Le poids des années qui s’entassent, celui des échecs avec leurs conséquences, celui des erreurs parfois irrémédiables, la perte d’êtres chers, tout cela nous a aguerris ; Le réel a pris place dans notre vie. En cette église cathédrale, nous formons une crèche au sein de laquelle nous contemplons, en écoutant sa Parole et en recevant son Saint Corps, celui qui nous ouvre un avenir, puisque c’est Dieu lui-même qui vient à nous comme chemin de rédemption, de vérité de foi et de vie renouvelée. Plus rien n’est figé, tout se trouve mystérieusement comme enfanté de nouveau. Voilà la grâce de l’épiphanie, contempler la grâce suprême, cachée au monde, mais révélée à celles et ceux qui acceptent, comme les rois mages, d’opérer en eux-mêmes ce changement de chemin, d’effectuer ce voyage, de se convertir, et de donner ce témoignage offert par Dieu lui-même. Dieu s’est manifesté en nous donnant la vie éternelle. Cette vie est dans son Fils.…Jn 5, 11, c’est à dire que le Verbe n’est pas seulement le réceptacle de cette Vie, il en est le dispensateur.

Dieu se fait serviteur de l’humanité

Saint Paul, dans son épître aux Éphésiens que nous venons d’entendre, partage son expérience. Lui qui, pauvre, persécuteur et fanatique, qu’il était, fut touché par le Seigneur, il nous invite à comprendre cette épiphanie, cette manifestation comme le dévoilement, non pas d’un, mais du mystère. Le mot grec “mysterion” tire son origine probable du verbe “muein” qui signifie « fermer la bouche », ce qui a pu donner « mutisme » et « muet » ; le mystère mime le silence, une vertu spirituelle : Il faut ainsi savoir écouter et se taire, faire silence en nous, non seulement pour aimer le silence, mais aussi pour écouter le réel de Dieu, pour ausculter sa manifestation. Paul devient porte parole de ce qui est insaisissable à la sagesse de l’homme, il nous dit ce qui est inouï : Dieu en personne vient à nous, Dieu lui-même se fait serviteur de l’humanité. Dieu comme roi, se fait petit, Dieu, pour sauver l’homme, devient homme et, seul le Saint Esprit nous permet, non pas de tout comprendre, mais d’entrer dans une démarche d’adoration.

Brice, vous vous êtes mis en route, il y a plusieurs années, l’étoile vous a conduit jusqu’à ce jour de fête de l’Epiphanie, vous êtes invité à faire l’offrande de votre vie.

La visite des rois mages au roi des rois, venu dans la chair, petit, vulnérable, frêle et doux, est la première action de grâce pour celui qui nous ouvre cet avenir unique et sans précédent dans l’histoire de l’humanité, avenir par lequel, si nous en prenons le chemin, nous délivrera de tout ce qui nous entrave, avenir dans lequel nous sommes conviés à entrer dans une alliance nouvelle. Alliance que vous montrerez à nos contemporains, Cher Brice, en allant vous-même dans la crèche des pauvres pour leur offrir ce que vous avez de plus précieux : une vie donnée à notre Seigneur et à son Eglise.

Comme pour les rois nous sommes invités à faire l’offrande de notre or, de notre encens et de notre myrrhe aux pieds de celui qui est notre paix définitive. 
Brice, par votre ordination au diaconat aujourd’hui vous devenez non pas d’abord un roi mage, (si tel était le cas, votre prénom serait vite trouvé), mais un adorateur de ce mystère du Christ. Vous allez par l’imposition de mes mains recevoir la grâce du Saint Esprit pour, à la suite de saint Paul, proclamer ce mystère à tout homme par l’annonce de l’Évangile. Vous allez au sein des nuées obscures de l’athéisme, de l’individualisme, du matérialisme, de l’indifférence, porter la lumière du roi des rois à ses pauvres. Vous devenez par cette ordination l’instrument du Seigneur pour tourner les yeux de vos sœurs et frères vers la lumière de l’Epiphanie. C’est uniquement dans le sacerdoce que l’Esprit nous donne de guider, comme pasteur, le peuple, mais, dans le diaconat vous devez, par votre vie, indiquer l’unique soleil, Jésus, clarté pour tous ceux qui vivent dans les ténèbres. Vous le ferez par l’annonce de la parole, pas la vôtre, mais celle de Dieu en toute humilité et en conformité avec la tradition de l’Eglise. Vous le ferez aussi par le service des petits, des malades et des pauvres en communion de pauvreté, car il faut être pauvre avec les pauvres et petit avec les petits, pour percer les ténèbres qui les entourent, afin d’y semer l’unique lumière bienfaisante.

Pour y parvenir, cher Brice, vous voici devant le sauveur. Vous attendiez ce jour et le voici qui vient à vous, non comme jour de triomphe, mais comme prémisse d’un don qui réclame votre collaboration à la passion du Seigneur. Il n’y a aucun diaconat fructueux sans service dans l’abnégation et sans sacrifice dans l’union volontaire au Christ crucifié, obéissant et seul serviteur de l’humanité, car souffrant avec elle et pour elle. Ne vous trompez pas de diaconat cher Brice, il n’est pas seulement une transition vers le sacerdoce, il restera permanent par sa grâce. Tous ici, évêque et prêtres, nous restons diacres. Il ne s’agit pas de faire de l’activisme, l’Eglise n’est pas une ONG caritative. Le sacrement de l’ordre imprime un caractère indélébile sur lequel vous avez été longuement informé par vos études en théologie, mais que, aujourd’hui, vous allez expérimenter de manière nouvelle. Ce sceau en soi est inutile pour les seules actions de charité qui incombent à toute personne baptisée. Le diaconat implique une certaine sainteté, et ce sceau vous marquera comme l’engagement du Seigneur envers vous, pour vous assister dans votre mission de prière, d’annonce de l’Evangile et de charité.

Cette sainteté recherchée vous invite à renouveler l’offrande des mages : celle de votre or d’abord ; cet or représente tout ce qui, pour vous, a de la valeur et nous savons tous que cet or offert, pourtant voué lui aussi à la disparition, comme nous prévient saint Pierre dans sa première épître, c’est ce qui n’a pas de prix, cette liberté, cet avenir que nous saluons dans tous les petits enfants dont je viens précédemment de parler, cet or, c’est nous même, c’est notre vie. Votre or vient éclairer la pauvreté de la crèche, non pour qu’elle se transforme en rutilante demeure, mais au contraire, pour que l’or lui-même prenne le goût de la pauvreté. Cette sainteté réclame aussi votre encens. Il est regrettable que l’encens soit très souvent perçu, par des ignorants, comme un indicateur de sensibilité liturgique. Il porte en lui-même une signification pour tous les chrétiens, celle de notre vie spirituelle. Comme pour l’encens, notre prière est parfois lente à monter, parfois elle s’élève vers le ciel de manière légère…..En somme il représente bien notre vie intérieure que le Seigneur réclame, car il attend que nous l’aimions comme notre Dieu et par dessus tout. Le Seigneur est lent à la colère mais il ne tolère pas chez ses serviteurs la colocation avec des idoles ou des idées déformées de qui il est. Votre encens est l’offrande fidèle de votre prière pour le peuple de Dieu et le monde tout entier.

Cette sainteté réclame enfin votre myrrhe. Que le diaconat soit conféré en vue du presbytérat ou en vue de sa permanence, le ministère diaconal implique une mort à soi-même. Nul besoin d’aller chercher très loin le secret des cristeros, du Bienheureux J-B Sousy, des prêtres martyrs de la révolution, des fidèles baptisés persécutés en Chine, en Corée du Nord, en Russie soviétique jadis. Le point commun de tous ces saints et bienheureux se trouve être simplement l’oubli de soi pour le Seigneur dans la plus subtile obéissance. Il n’y a q’un seul pont entre le don de vous même et l’obéissance, celle d’une mort à soi-même que seule une âme unie à Jésus crucifié peut comprendre. C’est pourquoi l’obéissance restera toujours la plus difficile des promesses que vous allez faire envers moi et mes successeurs dans quelques instants, car elle nous a tous mis à mort, une agonie lente et difficile, celle de notre orgueil, celle de l’homme ancien qui résiste.  C’est dans l’offrande de cet or,  de cet encens et de cette myrrhe que l’homme nouveau en vous va devenir plus éclatant encore. Le diacre est ce serviteur aimant qui, oubliant son passé, épouse cet avenir offert par l’enfant de la crèche à quiconque veut, en lui Jésus, aimer son humanité et en qui seul l’amour vrai de tout homme est possible. C’est en aimant l’humanité pauvre et fragile de Jésus enfant, qu’il vous offre maintenant de le rejoindre à un enfantement nouveau, celui de votre ordination pour aimer avec lui tout homme et ainsi en aimant son humanité rédemptrice, être en mesure d’adorer sa majesté divine sur la Croix pour avec saint Etienne, le premier des diacres, contempler sa majesté à la droite du Père.

Brice, n’oubliez pas que, avec l’humilité, votre meilleure prédication sera l’exemple que vous montrerez quotidiennement, exemple d’une vie simple pleinement donnée à Dieu, en un mot : la consécration. Et vous, chers fidèles, priez pour ce jeune ordinand, pour vos pasteurs. Priez pour que de nombreux jeunes répondent à l’appel du Seigneur. Vous chers jeunes, demandez à Dieu de vous montrer où il vous veut car, s’engager pleinement dans sa vocation est le secret d’une vie heureuse et réussie. Ne choisissez pas la demi-mesure, ne choisissez pas de ne pas choisir, mais faites confiance en Dieu !

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

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