"Fais ton travail d’évangélisateur". L'homélie de Mgr Colomb lors de l'ordination presbytérale de Brice Degbey et Jean-Eudes Blandin de Chalin (samedi 27 juin 2020)

27 Juin 2020

Jr 1, 4-9 ; Ps 88; 2 Tm 4, 1-5 ; Mt 8, 5-17

Fais “ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère”, voilà l’instruction que Paul donne à son disciple,  voilà l’instruction qui vous rejoint aujourd’hui, Brice et Jean-Eudes, alors que dans la joie, nous nous apprêtons à vivre votre ordination presbytérale.  Ordonnés, c’est-à-dire tout entiers tournés vers le Christ,  donnés au Christ, à son Eglise et aux hommes de ce temps, voilà ce à quoi vous vous engagez après avoir librement répondu à l’appel de Dieu que l’Eglise a authentifié. Enseigner, exhorter, convaincre, nourrir avec le pain de vie et les sacrements, à l’image de Paul, athlète de Dieu, donné à la mission de gagner les hommes au Christ, voilà ce que sera votre vie, au service de l’Evangile, de l’Eglise et des hommes. La prison, le froid, la méchanceté humaine, les trahisons, rien ne détournera Paul de l’amour de Dieu et du zèle pour l’annonce de l’Evangile. … De nos jours…  Comme pour l’apôtre des Gentils, c’est toujours sur l’éblouissement d’une rencontre personnelle avec Jésus que s’origine la vocation. Tirés du milieu des hommes, cher Brice,  cher Jean-Eudes,  prêtres vous le serez au service de l’Eglise et des hommes. Par l’imposition des mains, vous allez recevoir la plénitude  du sacerdoce de Jésus-Christ pour  continuer sa mission sur terre, pour vous porter au-devant des hommes et les gagner au Christ. Comme le prophète Jérémie, mis à part  dès le sein de sa mère, ce sont les paroles d’un autre, du Tout autre, que vous serez chargés de transmettre dans un monde parfois hostile, souvent indifférent, mais un monde travaillé mystérieusement par la grâce et qui a faim et soif d’absolu. Confesser Jésus, Christ et Seigneur, c’est accepter de le suivre jusqu’au bout, vous souvenant sans cesse de l’amour  et de la joie de l’ami de l’Epoux,   jusqu’au don total de vos vies, sans peur, car il est votre roc et votre salut ! Confesser Jésus Christ, c’est croire à la force de la Parole, c’est l’annoncer à temps et à contre temps. Vous n’êtes pas des gentils animateurs qui font leurs 35 heures dans une ONG humanitaire, vous êtes prêtres de l’Eglise catholique, votre maison devra être accueillante, votre téléphone branché pour être à l’écoute de vos frères et sœurs. Vous devrez être attentifs au rythme de vie des Fidèles laïques qui oeuvrent pour l’annonce de l’évangile avec vous. Ils ont bien souvent une vie de famille et de plus, bénévolement, la plupart du temps, ils donnent du temps et leur amour du Christ dans le cadre de leur mission. Sachez le, Il est normal que votre agenda soit bien rempli. Les bonnes journées sont celles où l’on s’endort fatigué.

Appelés du milieu des hommes pour être configurés au Christ

Dieu ne nous appelle pas parce que nous sommes des êtres d’exception, des surhommes capables de prodiges. Il sait de quoi nous sommes faits, il sait que nous sommes faibles, que nous  sommes semblables à des enfants incapables de parler, si ce n’est sous la mouvance de l’esprit saint.

Dieu nous appelle d’abord pour “être avec lui” et pour proclamer la Bonne Nouvelle (Mc 3,14). Entendrez-vous la douceur et l’urgence de cet appel à être avec Dieu ?  Cet appel d’un amour inouï qui va aujourd’hui, sacramentellement, vous  configurer au Christ, le Fils unique ? Jean-Eudes, Brice, c’est librement que vous avez répondu à l’appel de Dieu qui vous a choisis, qui vous a fait quitter pays, famille, métier pour le suivre, pour demeurer avec lui et pour porter du fruit. L’Eglise, qui a authentifié l’appel de Dieu sur vous, va faire de vous des prêtres pour proclamer la Parole,  enseigner, refaire les gestes de pardon et d’offrande qui sont les gestes mêmes du Christ. Jamais vous ne devrez compter sur vos propres forces mais, comme le centurion c’est sur la foi que vous vous engagez. Cette foi,  c’est dans le compagnonnage de chaque instant avec  Jésus qui nous appelle ses amis, dans l’intimité avec Dieu qui nous dévoile toutes choses (Lc 12,2), c’est dans la prière, dans l’adoration, dans le silence et la contemplation que vous allez la nourrir. Le sacerdoce ministériel est  un don gratuit que Dieu fait à son Eglise afin d’actualiser la grâce de la rédemption parmi les hommes, jusqu’à la fin des temps. Et ce don, il nous appartient, l’ayant accueilli, d’en  creuser tout le mystère et toute la grâce au long de notre vie. Il n’y a pas d’action juste sans cela. Vivant dans l’intimité du Christ,  ami de l’Epoux, le prêtre est appelé pour prolonger la présence sacramentelle du Christ, dans l’Esprit, tout en se souvenant que “nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin qu’il paraisse que cette souveraine puissance de l’Evangile vient de Dieu et non pas de nous” (2 Co 4,7).

Et envoyés en mission

Brice et Jean-Eudes (qui, au sein de la Fraternité des Apôtres de la vie, portez le nom de Josué, le conquérant de Jericho et de Aï dont l’exemple vous a inspiré), Le Christ s’adresse à vous aujourd’hui pour vous dire : “Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie” (Jn 20,21). Notre siècle exige des témoins prêts à suivre le Christ avec la même ferveur, la même détermination, la même disponibilité que les témoins de  l’Eglise naissante. Arrivant dans un monde où les gens vivent au “gré de leurs caprices”, prêts à suivre n’importe quel gourou “pour entendre du nouveau et se procurer une évasion” le témoin du Christ est bousculé, déplacé, questionné, rendant compte avec humilité mais force de son espérance jusqu’au martyre parfois. Dieu vous appelle mais vous ne savez pas encore combien votre mission sera grande. Elle dépassera tout ce que vous pouvez imaginer aujourd’hui. Laissez-vous toujours saisir par l’inouï et l’inattendu de Dieu, laissez-vous guider par l’esprit saint sur des chemins aujourd’hui inconnus, inimaginables, mais qui seront pour demain les chemins d’une annonce renouvelée de la Bonne Nouvelle. Ayant reçu la mission de porter Dieu aux hommes et de ramener les hommes sur les chemins qui mènent au Père, configurés au Christ prêtre, vous serez aussi configurés au Christ serviteur pour que les hommes de ce temps, les puissants comme les plus petits,  entendent l’appel à la sainteté.  Apprenez à aimer le monde et les hommes que Dieu va vous confier, sans jamais accepter de compromission avec le mal et le péché, mais en offrant toujours l’humanité blessée et souffrante à la miséricorde infinie du Père.  Configurés au Christ vous allez recevoir avec l’immense pouvoir de célébrer les sacrements, celui d’enseigner et de guider le peuple auprès duquel je vous enverrai. Ce que vous aurez lié sur terre, sera lié au Ciel et ce que vous aurez délié ici-bas sera délié dans l’au-delà. Ce pouvoir immense ne serait rien sans l’humilité du serviteur, une humilité qui demande tout le temps d’une vie pour en faire l’expérience et la creuser en soi  (“je suis au milieu de vous comme celui qui sert” – Luc 22,27). Vous aurez toujours  le souci  des plus petits, des plus faibles, car vous aussi vous êtes petits et faibles et vous savez combien vous avez besoin de miséricorde de Dieu. Vous n’oublierez pas non plus les plus riches qui ont droit à l’évangile et que nos chemins ne croisent pas toujours.

Dieu ne vous décevra jamais pourvu que vous avanciez dans la paix et la confiance. Aux heures de doute, quand la charge vous paraîtra trop lourde, souvenez-vous de Pierre s’avançant sur les eaux du lac pour rejoindre le Christ. Souvenez-vous de la main du Christ ferme et puissante qui le saisit au moment où, pris par le doute, il s’enfonce dans les eaux sombres du lac. Le Christ le ramène vers la barque (Mt 14,31). Cette main vous saisit aujourd’hui, elle vous saisira à chaque étape de votre vie, elle sera là, tendue vers vous, à chaque épreuve. Même si, à l’image de l’Apôtre Paul, tous vous abandonnent, Dieu sera toujours fidèle. Vous pourrez aussi compter sur la prière de l’Eglise, sur l’amitié et le soutien du presbyterium, sur la confiance et la paternité de votre Evêque.

Le don que vous faites aujourd’hui de votre vie est ouverture à la vie et à la grâce de la Trinité Sainte. Il est joie, il est force donnée, reçue, partagée, force de guérison pour l’humanité. Ce monde éloigné de Dieu, a  faim et soif, une faim, une soif que Dieu seul peut apaiser. La jeunesse, celle à laquelle vous allez partiellement consacrer votre vie, est en quête de sens, perdue dans le supermarché des religions, des sagesses, de l’ésotérisme, qu’est devenu notre société qui lui offre rarement une famille stable, encore plus rarement une famille qui soit une petite Eglise, selon l’expression du Pape Jean XXIII. Ces  jeunes et moins jeunes livrés à eux-mêmes vous attendent  afin que s’accomplisse la parole du Christ “Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob au festin du royaume des Cieux”.

Le pape François nous a invité à une prière spéciale pour les prêtres, à l’occasion de la fête du Sacré-Cœur, la semaine dernière, fête qui correspond chaque année à la Journée mondiale de prière pour la sanctification du clergé – selon une initiative lancée par Saint Jean-Paul II.

« Je vous invite à prier pour les prêtres, écrit le pape François dans un tweet, pour qu’à travers votre prière, le Seigneur les fortifie dans leur vocation, les conforte dans leur ministère, et pour qu’ils soient toujours les ministres de la Joie de l’Évangile pour tous les peuples. »

Dans sa lettre instituant cette Journée (Jeudi Saint, 25 mars 1995), le Pape Jean-Paul II souhaitait que la Vierge Marie, à laquelle Saint Cyrille d’Alexandrie, fêté aujourd’hui, fit obtenir le titre de mère de Dieu au concile d’Ephèse,  « mette surtout en nos cœurs une vive aspiration à la sainteté ».

« La nouvelle évangélisation a besoin de nouveaux évangélisateurs, de prêtres qui s’engagent à vivre leur sacerdoce comme un chemin de sainteté… ajoutait-il. Le Jeudi saint, en nous ramenant aux origines de notre sacerdoce, nous rappelle aussi le devoir de tendre à la sainteté, afin d’être des ‘ministres de sainteté’ pour les hommes et pour les femmes confiés à notre service pastoral. »

Bonne mission en Charente Maritime, chers amis, ministres de la joie de l’évangile !

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

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