1re lect. : Ac 10, 34a.37-43 Ps : 117 1 Co 5, 6b-8
Évangile : Jn 20, 1-9
Résurrection du Christ, nouveauté de l’homme
Le Christ, notre agneau pascal, a été immolé » (1 Co 5, 7) ! Cette exclamation de saint Paul que nous avons écoutée dans la deuxième lecture, tirée de la première Lettre aux Corinthiens, retentit en ce jour et nous fait prendre conscience de la nouveauté chrétienne. Le symbole central de l’histoire du salut, l’agneau pascal, est identifié à Jésus, qui est justement appelé «notre pâque». La Pâque juive, mémorial de la libération de l’esclavage en Égypte, prévoyait tous les ans le rite de l’immolation de l’agneau, un agneau par famille, selon la prescription mosaïque. Dans sa passion et sa mort, Jésus, se révèle comme l’Agneau de Dieu « immolé » sur la croix pour enlever les péchés du monde. La dernière cène, par les signes du pain et du vin, se substitue au rituel du repas de la Pâque juive. Jésus a porté à son accomplissement la tradition de l’antique pâque et l’a transformée en sa Pâque.
Partant du sens nouveau de la Pâque, l’Apôtre Saint-Paul fait référence à un usage juif selon lequel, à l’occasion de la Pâque, il fallait faire disparaître de la maison le moindre petit reste de pain levé. Cela représentait, d’une part, le souvenir de ce qui était arrivé aux ancêtres au moment de la fuite de l’Égypte (sortis du pays en hâte, ils n’avaient pris avec eux que des galettes non levées) et, d’autre part, « les azymes » étaient un symbole de purification (éliminer ce qui est vieux pour donner place à ce qui est nouveau). Saint Paul explique que cette tradition antique prend, elle aussi, un sens nouveau, à partir précisément du nouvel « exode » qu’est le passage de Jésus de la mort à la vie éternelle. Et puisque le Christ, comme agneau véritable, s’est offert lui-même en sacrifice pour nous, nous aussi, ses disciples, grâce à lui et par Lui, nous pouvons et nous devons être une «pâte nouvelle», des «azymes» libres de tout résidu du vieux ferment du péché : plus aucune méchanceté ni perversité dans notre cœur. La pâque des chrétiens est bien la fête de la libération, mais désormais, la libération est définitive. Par sa mort et sa résurrection, Jésus-Christ a triomphé des pires chaînes, celle de la mort et de la haine. Et cette libération est contagieuse, Saint-Paul écrit : «un peu de levain suffit pour que toute la pâte fermente». L’esprit qui poursuit son œuvre dans le monde fera irrésistiblement lever comme une pâte l’humanité tout entière…
Présence de Dieu dans l’invisible
En ce matin de Pâques, quand Marie-Madeleine arrive au tombeau, “c’était encore les ténèbres”, nous dit l’évangéliste Jean. Quand Jean parle de ténèbres, c’est pour les opposer à l’incomparable Lumière qu’est Jésus, vainqueur de toutes nos ténèbres. Les ténèbres, c’est l’impossibilité de comprendre l’inattendu de Dieu.
Marie-Madeleine, voyant le tombeau vide, pense de manière toute humaine. Elle demeure dans les ténèbres du deuil: “On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé” (Jn 20, 1-9).
N’aurions-nous pas pensé la même chose qu’elle à la vue du tombeau vide ? Qui a enlevé le corps du Seigneur ? Pour le mettre où ? Elle doit penser que la belle aventure commencée avec Jésus est finie.
Ce sont les mêmes ténèbres qui enveloppent les disciples sur le chemin d’Emmaüs, incapables de reconnaître le Seigneur dans l’homme qui les rejoint sur la route jusqu’à ce qu’il leur donne le signe de la fraction du pain.
Ce sont encore les mêmes ténèbres qui envahissent le cœur de nos contemporains, notre propre cœur parfois, quand nous nous laissons gagner par le doute, l’indifférence, le cynisme. Après 2.000 ans, que reste-t-il du message du matin de Pâques ? Il reste des témoins courageux, des communautés persécutées, une espérance partagée et une foi portée en Eglise aux quatre coins du monde !
Présence de l’Eglise et annonce de la bonne nouvelle
Le disciple bien aimé, dans un même mouvement, voit le tombeau vide, comprend, croit et devient missionnaire. Jean dit de lui-même: “Il vit, et il crut.” A ce moment, seul Jean est capable de comprendre et d’interpréter le vide du tombeau. Il sait, en un instant, relire l’événement à la lumière de l’Ecriture et de ce qu’il connaît de Jésus pour dépasser les apparences et entrer dans la foi. Il comprend que “la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle”, selon le mot du psalmiste, et que désormais la mort n’aura plus le dernier mot : “Je ne mourrai pas, je vivrai”. Il sait que désormais Jésus le Messie sera présent d’une autre manière dans la vie des croyants. Il comprend que les temps ont changé. Qu’une nouvelle ère s’inaugure, celle de l’alliance nouvelle, fondée sur le sang versé pour la rémission des péchés et sur la victoire de la vie sur la mort.
Pierre, resté silencieux devant le tombeau vide au matin de Pâques, ouvrira l’espérance du salut aux païens en acceptant de pénétrer dans la demeure d’un centurion de l’armée romaine pour y annoncer et témoigner du Christ ressuscité: “Quiconque croit en lui [en Jésus mort et ressuscité] reçoit par son nom le pardon de ses péchés” (Ac 10, 43). Désormais, Pierre vient de le comprendre, tout homme, juif ou païen, peut, grâce à Jésus-Christ, être, lui aussi, consacré par l’esprit saint et rempli de sa force !
Nourris des sacrements et de l’enseignement de l’Eglise, c’est nous qui sommes à présent les héritiers, c’est désormais à nous qu’il appartient de transmettre ce que nous avons reçu, ce que nous croyons. Notre vie est-elle une vie de disciple, transfigurée, renouvelée par la conversion du cœur et du regard et toute entière tournée vers l’annonce ?
Témoigner de ce que nous croyons, nous envoie jusqu’aux “périphéries” selon le mot du pape François. Pour Pierre, c’était le centurion Corneille et bien d’autres qu’il croisera tout au long d’une vie toute entière donnée au Christ, jusqu’à la mort. Pour moi qui est-ce ?
A qui vais-je annoncer, en ce matin de Pâques ma certitude que le Christ, invisible pour mes yeux, continue son action en ce monde pour lequel il a donné sa vie ? A qui vais-je dire que je crois que le Christ est vivant, qu’il est présent dans les sacrements, qu’il est présent lorsque nous sommes rassemblés en son nom, comme c’est le cas en ce matin de Pâques dans la situation de dispersion qui est la nôtre en raison du confinement ?
Au matin de Pâques, nos frères orthodoxes ne se disent pas “bonjour”. Ils se disent “Christ est ressuscité!” et ils se répondent les uns aux autres “Oui, il est vraiment ressuscité!”. Que cette certitude soit pour vous fin des ténèbres et entrée dans la Lumière, qu’elle fasse de vous tous des disciples missionnaires au cœur de communautés paroissiales vivantes et rayonnantes !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes