Homélie donnée par Mgr Colomb lundi 14 septembre 2020

14 Sep 2020

Fête de la Croix glorieuse et installation à Croix-Gente des Apôtres de la vie

Nb 21, 4b-9 ou Ph 2, 6-11; Ps : 77, 3-4a.c, 34-35, 36-37, 38ab.39 ;

Évangile : Jn 3, 13-17

La fête de la Croix glorieuse nous place au cœur du mystère de notre foi. Comment ce qui fut durant des siècles le signe ignominieux du supplice des condamnés est-il devenu source de bénédiction et de salut pour les hommes ?

Notre foi nous l’enseigne, le Christ sauve le monde non pas en éliminant le mal, mais en le traversant, prenant sur lui toutes nos souffrance et notre mort, et en nous faisant le don de la vie éternelle. Cette nouvelle-là est notre trésor. Nous la portons en nous, non pas pour la garder jalousement mais pour la faire rayonner sur cette terre, pour l’annoncer aux hommes de ce temps. Ici, à Croix Gente, la foi en la croix du Christ et en sa valeur salvatrice s’est manifestée durant des centaines d’années.

Apôtres de la vie, vous allez prendre le relais de cette longue chaîne de témoins pour que le message de l’Évangile rejoigne les hommes, les femmes, les jeunes de ce temps, pour qu’il éclaire leur route et illumine leur vie.

Du signe de mort au signe de vie

A Croix-Gente, on raconte qu’au XIVe siècle, un cultivateur fit ériger une immense croix, une croix géante, en mémoire de son fils unique perdu dans les bois. Dans la petite chapelle on trouvait une piéta, une Vierge transpercée par le glaive de la mort de son fils. Si la fête de la Croix glorieuse est une des plus anciennes de notre histoire, c’est sans doute parce qu’elle nous rejoint au plus profond de notre humanité, là où nous découvrons l’inévitable souffrance, la douleur et la peine. La Croix glorieuse vient nous sauver du désespoir. Elle nous enseigne que la mort, la défaite, la souffrance n’ont pas le dernier mot.

L’espérance chrétienne rejoint les pauvres et les malheureux de tous les temps…. Elle veut leur dire que Dieu ne les abandonne pas. Elle veut dire qu’en Jésus le Christ, c’est Dieu lui-même qui s’est laissé atteindre par toutes nos souffrances, par notre peine, par notre péché. Oui, la croix est une tragédie. Mais dire que la croix du Christ est croix glorieuse, c’est nous tourner du côté de Dieu et de son salut, de sa gloire précisément, non pas pour abandonner les hommes à leur peine, mais tout au contraire, pour leur montrer le chemin de la vie et de l’amour. Dans la croix du Christ, nous contemplons la force et la puissance du Dieu qui librement se donne avec les seules armes qui sont les siennes, l’amour et le pardon.

Oui, la croix est bien “scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes” (Co 1,23). Il n’est pas inutile de rappeler le sens du mot scandale alors que notre société affiche à la une de ses médias ce mot si fort pour parler le plus souvent de délinquance. Le scandale, c’est ce qui fait chuter, ce qui, au milieu du chemin, détourne du but, détourne le croyant de l’Alliance sainte. Ainsi en était-il des divinités païennes, ainsi en est-il de Pierre qui tout de suite après avoir confessé Jésus Christ et messie, refuse l’annonce de la croix :” Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas” dit-il (Mt 16,22).

Pour Pierre, le scénario est tout écrit. Jésus va chasser les romains. Il va rétablir la royauté et se faire couronner. Pour nous les choses sont un peu différentes. Nous connaissons la suite de l’histoire et nous nous interrogeons plutôt sur la nécessité de la croix. Nous sommes des sceptiques. Sceptiques d’abord car nous répugnons à nous confronter au mal, à sa réalité, à sa profondeur….

Nous oublions facilement, nous tournons la page, demandant si finalement “c’est si grave?”. Existe-t-il un mal si enraciné qu’il fallait-il que Jésus fut crucifié ? Etait-ce vraiment nécessaire ? Sceptiques nous le sommes encore plus vis-à-vis de Dieu. Qu’est-ce que ce Dieu qui accepte de livrer son Fils ? Qu’est-ce que ce Dieu qui a besoin de la croix ? La croix a-t-elle apporté le salut ? N’y avait-il pas d’autres moyens ? Quel Dieu peut être assez fou pour envoyer ainsi son fils à la mort ? Quel Dieu peut avoir tant d’amour pour les hommes ?

C’est à ce double scepticisme que répond le sacrifice de la croix, non pas par un discours, mais par un acte librement consenti, celui du don de sa vie par Jésus. Fils de Dieu, il vient dire jusqu’où le Père est capable d’aller pour sauver les hommes. La croix glorieuse nous montre la victoire de Dieu sur toutes nos logiques de mort. Elle nous montre que Dieu est bien le libérateur, celui qui a délivré le peuple d’Israël de la servitude et qui délivre tous les hommes de la mort ” Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ?” (1 Co 15,55).

Le cœur de la vocation chrétienneLa croix du Christ ne rend pas plus légères nos croix. Elle ne nous dispense pas de les porter. Essentiellement, elle nous dit que Dieu n’est pas indifférent à notre sort. Que Dieu marche avec nous, et qu’il connaît chacun de nos combats. “Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé” nous dit Jean. Ce message, il est pour les hommes de notre temps.

Pour tous les hommes. Et c’est à vous, qu’il appartient de le faire connaître. Oui, Jésus, vrai homme et vrai Dieu est venu racheter le vieil Adam, le vieil homme que nous portons tous en nous. Comme pour Saul sur le chemin de Damas, la lumière éblouissante du Ressuscité vient vers nous, non pas pour nous condamner mais pour nous ouvrir grand les bras de la miséricorde. Cette lumière-là n’est pas destinée à nous rendre aveugles, elle est destinée à nous rendre intelligibles les mystères de la foi. Le mystère du mal demeure et Jésus n’a pas disserté pour y répondre. Il a pris sa croix, il l’a portée, il nous a libérés.

Pour nous la croix est glorieuse car elle assume le mal, le traverse, le déchire, le transcende, et ouvre à la résurrection. Notre regard, comme celui des hébreux au désert fixé sur le serpent d’airain, doit être toujours tourné vers la croix du Christ, non pas comme objet de torture, mais comme signe de notre rédemption. Notre vocation, au cœur de l’histoire, c’est d’être les témoins de l’amour de Dieu, un amour si grand qu’il ne peut être que folie pour les hommes. Aux femmes se rendant au tombeau au matin de Pâques, l’ange dit “vous cherchez Jésus le Crucifié”, et il leur annonce la nouvelle inouïe “il est ressuscité” ! Cherchons le crucifié, cherchons le sans trêve car lui seul nous ouvre les portes de la vie !

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

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