Les lectures de ce jour attirent notre attention sur la prière et sur l’annonce de l’évangile à nos frères
Cette scène d’évangile intervient après un enseignement de Jésus sur la pureté. Dans le monde juif, la pureté est l’aptitude à s’approcher de Dieu. Les pharisiens y attachaient beaucoup d’importance et cela est l’occasion de reproches adressés aux disciples qui ne se purifient pas avant les repas. Jésus nous dit que la pureté est avant toute chose une affaire de cœur et d’intention : «Ce qui sort de la bouche provient du cœur, cela rend l’homme impur, mais manger sans se laver les mains ne rend pas l’homme impur».
C’est après cette controverse sur la question de la pureté que Jésus décide de se rendre en territoire païen et c’est là qu’il rencontre la Cananéenne. Cette parabole nous montre la force de la prière. Jésus commence par dire : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël ». Il veut nous dire que le projet de Dieu concerne d’abord Israël. Nous retrouvons ce thème dans l’évangile de Saint-Matthieu lorsque nous lisons les instructions données aux apôtres : « Ne prenez pas le chemin des païens… Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 16,6). Saint-Paul s’est tourné vers les Païens suite au refus des Juifs (Lettre aux Romains). Jésus se situe également dans cette même logique de l’élection.
La question subsiste :
- comment répondre aux étrangers, aux païens ? Peuvent-ils se frayer un chemin vers le salut ? A quelles conditions le peuvent-ils ?
- Dieu aime-t-il tous les hommes ?
Ces questions sont celles de la première lecture, le livre d’Isaïe. Isaïe répond en l’an 500 avant Jésus-Christ : «Oui, des étrangers peuvent être admis dans la maison de Dieu, dans la communauté juive à condition de s’attacher au Dieu d’Israël et de respecter la loi juive».
Dans le livre d’Isaïe comme dans l’épître aux Romains, l’annonce de la miséricorde de Dieu résonne avec la même intensité. Le contexte n’est pas le même. Au Vème siècle, après le retour de l’exil, bien des choses ont changé. Des étrangers ont pris l’habitude de fréquenter les synagogues. Fallait-il les accueillir (ouverture, tolérance), ne pas les accueillir (doctrine de l’élection, souci du maintien des traditions, fidélité) ? Nous pouvons remarquer deux camps dans le peuple juif.
Quelles sont les conditions de l’accueil ?
- respecter le sabbat
- pratiquer l’Alliance
- faire ce qui plaît au Seigneur
Notons que cette ouverture est une étape très importante dans la découverte du projet de l’universalisme de Dieu !
Et Paul ? Avant sa vision sur le chemin de Damas, il voyait le monde d’une façon manichéenne. Il y avait les non Juifs et les Juifs qui avaient pour mission de faire connaître le Dieu unique aux païens. Après sa conversion, il considérait que sa première tâche serait de faire connaître Jésus-Christ à ses frères juifs, puis les Juifs tous ensemble pourraient en témoigner auprès des non Juifs. C’était le rêve de Paul, mais les Juifs ont refusé l’évangile. Le livre des Actes des Apôtres nous rapporte ce fait à Antioche de Pisidie (Actes 13,44) où les Juifs sont furieux et Paul décide de se tourner vers les Païens. Nous retrouvons la même scène quelques années plus tard à Corinthe, puis à Ephèse (Actes 19). Si Paul évangélise les Païens, c’est parce que les Juifs ont refusé l’évangile, mais Paul ne désespère pas de l’avenir d’Israël.
Dieu nous donne toute sa liberté et cette liberté peut aller jusqu’à refuser sa grâce. Les hommes s’enferment eux-mêmes dans leur refus, Dieu veut le salut de tous !
Dans l’évangile de ce jour, Jésus va très loin. Il commence par justifier son refus d’intervenir : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens». Il finit par agir pour la Cananéenne, pourquoi le fait-il ?
Parce qu’elle a la foi ! Jésus lui dit : « Femme ta foi est grande, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Elle montre sa foi par son obstination à faire confiance à Jésus. Elle déclare : « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Elle nous donne une définition de la foi. La foi, c’est s’obstiner à faire confiance à Dieu.
Notez que Jésus n’exige d’elle aucune pratique, seulement la foi
L’opiniâtreté de la Cananéenne est due à son amour pour sa fille. Aurons-nous l’opiniâtreté suffisante pour demander et obtenir le salut du monde ?
Les lectures de ce jour nous invitent à la prière à la suite de la Cananéenne et nous montrent que la prière a la force de nous transformer. Ce n’est pas Dieu qui est forcé par notre prière. Il veut notre bien. C’est nous qui changeons, c’est nous qui grandissons dans l’amour.
Ces lectures nous interrogent aussi sur la façon dont nous annonçons l’évangile ! Sommes-nous fidèles à l’enseignement de Saint-Paul ? Est-ce que nous avons le souci d’accueillir dans nos communautés nos frères chrétiens étrangers, surtout ceux qui sont persécutés dans leur pays et viennent trouver refuge en France, en Europe, dans les pays de tradition chrétienne ? A ce sujet, notez que l’écrasante majorité des migrants qui viennent en Europe est composée de musulmans. Ils pourraient demander refuge dans des pays musulmans riches dans lesquels rien ne manque (Qatar, Arabie saoudite…). Apparemment, ils préfèrent l’Europe de tradition chrétienne, pourquoi ?
La fidélité à l’enseignement de Saint-Paul passe aussi par l’annonce de l’évangile aux croyants d’autres religions (Bouddhistes, Musulmans..). L’évangile est un chemin de libération intérieure. La communauté chrétienne est un lieu d’épanouissement personnel. Nous avons la joie d’accueillir chaque année, dans nos communautés des musulmans qui ont demandé le baptême et qui préfèrent rester discrets pour leur propre sécurité y compris en Europe. J’ai vu à Tunis des Jeunes convertis de l’islam affichant publiquement leur foi. Quelle leçon de courage pour l’Europe, pour chacun d’entre nous. La théorie selon laquelle toutes les religions se vaudraient et qu’un musulman doit rester musulman est tout simplement absurde et non respectueuse de la liberté de conscience, de la liberté religieuse de tout homme qui a droit à l’évangile !
+ Georges Colomb