Homélie donnée à la basilique de Pontmain dimanche 13 août à l’occasion de la clôture du pèlerinage des Laotiens et Hmongs de France par Mgr Colomb.
1) L’homme est appelé à la rencontre avec le Christ, le vrai Dieu ; la vie chrétienne est chemin de conversion.
Les lectures de ce dimanche nous montrent que le prophète Elie a vécu une conversion. L’idée qu’il se faisait de Dieu a changé. Sur la montagne de l’Horeb, le Sinaï, Il attendait une manifestation de la puissance de Dieu, il pensait trouver Dieu dans l’ouragan puis dans le tremblement de terre. Mais le Seigneur n’était ni dans l’un ni dans l’autre. Élie découvrit Dieu dans le murmure d’une brise légère ! Il pensait bien faire en tuant les impies et s’aperçut qu’il était sur une fausse piste car le vrai Dieu est amour. C’est par l’amour de nos frères que nous le connaissons en vérité…
Cette expérience du prophète Elie ressemble à celle de l’apôtre Paul qui lui aussi s’était trompé sur Dieu. Pharisien zélé, il persécutait les chrétiens. Mais un jour, il a rencontré Jésus sur le chemin de Damas. Dans la lettre aux Romains que nous venons de lire, il nous fait part de son désir, fruit de sa conversion : partager son expérience de conversion avec ses frères de la communauté juive. Ces derniers refusent toutefois de reconnaître Jésus comme le messie. Paul nous fait part de sa douleur face à leur incrédulité. En effet ces derniers n’ont pas accepté de reconnaître que la révélation faite au peuple élu soit étendu aux païens qui ont mis leur foi en Dieu. Ils ne comprennent pas que si le Christ a livré son corps et versé son sang c’est pour eux et pour tous les hommes !
L’Évangile de Saint-Matthieu nous montre Jésus lui-même obligé de clarifier les choses auprès des disciples, des foules. il a multiplié les pains pour nourrir une foule affamée et tous ces gens sont excités, ils sont persuadés que Jésus est le roi qui les libèrera de l’occupant romain. Jésus se rend compte de ce piège et il fait tout pour que ses disciples n’entrent pas dans ce jeu. Il les renvoie de toute urgence vers l’autre rive. Par ce geste, il veut nous faire comprendre que le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Il ne correspond pas à l’idée que nous nous en faisons. Pour y entrer, il nous faut quitter nos habitudes, nos certitudes. Le Christ nous donne rendez-vous sur « l’autre rive », celle de la quête de Dieu, de la vérité. Il veut par cela nous dire que nous aussi nous devons sans cesse rechercher le vrai Dieu et ne pas vouloir un dieu a notre mesure, un dieu pratique qui nous conforte dans une vie sans exigence certes, mais sans avenir !
2) La force de la prière
En se retirant seul sur la montagne pour prier, Jésus veut nous montrer que c’est dans la prière que nous pourrons rencontrer Dieu, être en communion avec lui car il sait que comme le prophète Elie, comme Paul, comme les apôtres, nous risquons de nous fabriquer un faux dieu. C’est dans le cœur à cœur avec Dieu que nous pourrons prier en vérité. Le message de Marie aux enfants de Pontmain, c’est la reprise de l’invitation de Jésus à la prière : “Mais priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher”….
Pendant que Jésus prie sur la montagne, les disciples traversent la mer. La tempête survient et la barque est battue par les vagues. « Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer», les disciples sont affolés et pensent que c’est un « fantôme ». Notre vie actuelle ressemble à cette traversée de la mer. Nous sommes engagés vers « l’autre rive », celle où Jésus nous donne rendez-vous. Cette barque dont parle l’Évangile, c’est celle de Pierre, c’est l’Église de Jésus Christ. Depuis les commencements de l’Eglise, les tempêtes sont nombreuses, celle que nos frères du Laos ont vécu il y a plusieurs dizaines d’années en est une illustration. Nous passons d’une rive à l’autre…
La mer déchaînée symbolise la mort. Elle représente le lieu des puissances du mal. Jésus qui marche sur la mer vient nous faire comprendre que le mal n’a pas de prise sur lui. Il nous révèle le vrai Dieu qui est vainqueur de la mort et du péché. Quand tout va mal, nous risquons de croire que Dieu nous a abandonnés. Mais il est là, bien présent, il nous dit « Viens ». Marie à Pontmain nous dit “mais priez donc !”. Il voit nos doutes, nos peurs quand nous sommes affrontés à la tempête. Mais il est là pour nous rassurer et nous apprendre l’espérance.
Aujourd’hui nous ne sommes pas menacés par les Prussiens comme l’était la France lors des apparitions à Pontmain, mais d’autres menaces pèsent sur nous. Nous vivons dans un monde violent. Des attentats répétés de terroristes islamiques sèment le trouble et sont facteurs d’angoisse dans notre société. Le projet de construction européenne qui a rempli d’espoir le cœur de nos parents après trois guerres successives avec la Prusse, puis l’Allemagne ne fonctionne plus aussi bien. La croissance économique, le plein-emploi ont fait place à la crise, au doute sur l’efficacité de l’Europe, sur son avenir politique. Le message de Marie “Mais priez donc..Dieu se laisse toucher” est d’actualité !
Il nous faut accueillir le Christ dans la barque de nos vies, alors nous pourrons compter sur lui. Nous serons en communion avec lui. Il ne cesse de nous tendre la main et veut faire de nous des hommes debout. La barque dont parle l’évangile de ce jour c’est notre Eglise qui doit affronter les tempêtes. Ne fuyons pas le bateau, nous serons sauvés ensemble par la foi qui nous habitera, par l’espérance que nous saurons communiquer, par la charité, l’amour que nous montrerons.
Si notre foi est incarnée, si elle est nourrie par notre prière, alors nous vaincrons la peur et à la suite de Pierre, nous pourrons dire : “Vraiment, tu es le Fils de Dieu”.
+ Georges Colomb