Homélie donnée par Mgr Colomb à Ars à l’occasion de l’ordination diaconale de trois séminaristes.
Lectures : Isaïe 6,1-8. 1 Co 12, 4-11. Luc, 5, 1-11
Les lectures que nous venons d’entendre mettent en relief trois missions fondamentales que l’Eglise confie aux diacres lorsqu’elle les appelle à œuvrer pour l’évangile : la proclamation des merveilles de Dieu, le service de l’Eglise et l’appel à la conversion.
1) Le diacre est l’intendant des mystères divins. C’est dans l’attitude de l’orant, au milieu des saints et des anges du paradis, que le prophète Isaïe nous présente l’envoyé du Seigneur : « Et ils criaient l’un à l’autre et disaient : Saint, saint, saint est Yahweh des armées ! toute la terre est pleine de sa gloire ». Ce refrain d’amour et de louange doit devenir pour l’élu de Dieu un chant de l’âme et donner vie à tous les sacrifices accomplis en vue du royaume. La sainteté de Dieu, dans le sacrement de l’ordre, se rend accessible, dissimulée sous les faiblesses, les imperfections et la vulnérabilité de ceux qui sont appelés à la suite du Christ. Il est bien normal que, dans le silence de l’oraison, nous soyons parfois saisis d’une sainte frayeur devant la beauté d’une telle mission. « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres souillées, et j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres souillées, et mes yeux ont vu le Roi, Yahweh des armées ! » Cet émoi est légitime quand il jaillit d’un cœur contrit et humilié, conscient de sa misère, mais fort dans son espérance. Il est vrai que la mission du diacre est une mission quasi-angélique : comme l’archange Gabriel au jour de l’Annonciation, comme les chœurs célestes dans la nuit de Noël, comme les anges de la Résurrection, il est envoyé pour annoncer aux hommes le Verbe fait chair, l’accomplissement des temps dans la personne de Jésus-Christ. Voilà pourquoi, à la suite d’Isaïe, le diacre invoque en toute humilité la miséricorde de Dieu lorsqu’il doit, au cours de la messe, annoncer la bonne Nouvelle du Salut : « Purifie mon cœur et mes lèvres, Dieu très saint, pour que je fasse entendre à mes frères la Bonne Nouvelle ». C’est une grâce toute spéciale de constance et de persévérance qui le soutiendra dans l’accomplissement de son ministère. La lecture de la parole de Dieu purifiera les lèvres et le cœur du diacre, s’il la reçoit avec une grande intériorité et un profond esprit de foi.
2) Les grâces et les faveurs que le Seigneur offre à ses serviteurs ne doivent pas être reçus en vain, égoïstement, avec une avidité de mauvais aloi ; elles doivent au contraire être partagées, divulguées, annoncées. « A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée pour l’utilité commune ». C’est au service de la mission et pour l’édification de vos frères que vous avez accueilli dans la joie l’appel de l’Eglise. Pour être véritablement au service de la communauté ecclésiale, vous devrez veiller à vous effacer devant les urgences et les exigences de l’apostolat, convaincu de l’action du Saint-Esprit. « Il y a diversité de dons, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous ». Sans aucun doute, la diversité des charismes se trouve-t-elle démultipliée quand se rencontrent autour de l’autel des cultures venues d’horizons diamétralement opposés ! L’Extrême-Orient apportera au service du prochain la finesse de sa culture et son sens expert des relations interpersonnelles. Les Antilles orneront la mission de l’Eglise d’un brin de fantaisie et d’une joie rayonnante. De tout temps, l’Eglise a reçu avec une grande reconnaissance l’apport des grandes civilisations ; elle accueille également avec discernement, mais également dans l’enthousiasme, les dons multiples de ses enfants. Que dans le service de l’autel, dans l’exercice de la charité fraternelle ou dans l’annonce de l’Evangile, le diacre songe continuellement à rendre le Christ présent dans le monde : présent dans les communautés ecclésiales en France, présent dans les communautés jeunes et dynamiques en Asie, présent dans les assemblées joyeuses et chantantes des îles créoles. En ce temps de la Pentecôte, que le même Esprit-Saint qui guide et assure la mission de l’Eglise, sanctifie et renouvelle vos ressources et vos dispositions, vous qui allez recevoir aujourd’hui l’ordination diaconale.
3) Fort du secours du Saint-Esprit, le diacre sera à même de donner au message du Christ sa plénitude morale. La parole de Dieu n’appartient pas au champ de l’émotion, du sensationnel, du ressenti, mais elle est en attente d’une réponse, d’un effort sincère et continu d’intériorité…. Le diacre a pour mission de rendre les commandements de Dieu, les enseignements du Seigneur, opérants, dans sa vie et dans celle de son prochain. Comme Simon Pierre, il est constitué pêcheur d’homme et doit, à la suite du Christ, s’avancer en eaux profondes, afin d’amener au port du salut, les frères et sœurs que la Providence placera sur son itinéraire. Avant de ramener jusqu’à la terre ferme des filets pleins à craquer, le serviteur du Seigneur doit parfois endurer de longues heures de service sans obtenir beaucoup de fruits….« Qui sème en pleurant, moissonne en chantant ». Au milieu des tribulations de la vie, qu’il garde bon courage, qu’il conserve une espérance intacte et une foi profonde en l’action de Dieu. « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » : le diacre, s’il œuvre avec persévérance, dans la joie et la générosité, recevra une large récompense pour avoir accompli avec fidélité la mission reçue de l’Eglise. Ayons donc aujourd’hui une grande confiance en l’action de Dieu et entourons de notre prière et de notre affection nos frères qui s’avancent vers l’autel pour recevoir le don béni du diaconat.
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes