“Avec Dieu, nous ne signons pas un contrat de travail, nous sommes sous le régime de la grâce, de la gratuité”, a souligné Mgr Georges Colomb le 20 septembre 2020 lors du pèlerinage à Taugon à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. L’évêque du diocèse de La Rochelle commentait la parabole des ouvriers de la onzième heure.
Is 55, 6-9; Ps : 144, 2-3, 8-9, 17-18; Ph 1, 20c-24.27a; Mt 20, 1-16
Le 14 septembre nous célébrions la fête de la Croix glorieuse. A cette occasion, nous avons pu approfondir le mystère de la croix, instrument de supplice devenu instrument de notre salut. Aujourd’hui nos regards convergent vers Notre-Dame. Nous contemplons la Vierge Marie transpercée par la douleur. Très tôt la piété chrétienne a vu dans les douleurs de la Vierge le signe de sa participation à l’œuvre de rédemption de son Fils. De l’annonce de Siméon jusqu’au pied de la Croix, Marie a traversé de multiples épreuves liées à la réalisation du plan de salut de Dieu. De la fuite en Egypte pour protéger l’enfant nouveau-né à la descente de Croix, il y eut la disparition de Jésus au Temple, le chemin du calvaire puis finalement la mort de celui qui était l’enfant de la promesse. Voilà les sept douleurs qui associent Marie à l’œuvre de Salut de son Fils. Aujourd’hui, pour nous qui sommes l’Eglise, qui sommes ses enfants (Jn 19, 26-27), Marie intercède auprès du maître de la vigne, auprès du Père, plein de bonté et de miséricorde.
Invités au travail dans le champ de la mission
Voici des hommes qui se rassemblent de bon matin pour trouver du travail. Le propriétaire de la vigne sort très tôt, puis à neuf heures, à midi, à quinze heures et enfin vers dix-sept heures. Ce propriétaire, c’est Dieu, et chaque heure du jour est l’heure de Dieu qui part à la recherche de l’homme. Face à l’appel de Dieu nous pouvons réagir de différentes manières. Nous pouvons, avec Marie, dire ” Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole” (Luc 1,38) ou nous pouvons au contraire récriminer contre le maître du domaine, c’est à dire murmurer contre Dieu, douter de sa miséricorde, de son amour et de sa compassion pour nous. Isaïe nous le rappelle, les chemins de Dieu ne sont pas nos chemins, les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Dieu seul a la vision globale des événements, lui seul connaît le chemin de notre rédemption. Alors, acceptons de nous laisser surprendre, de remettre en cause certains postulats.
Avec Dieu, nous ne signons pas un contrat de travail, nous sommes sous le régime de la grâce, de la gratuité. La sagesse populaire le dit fort bien « il n’y a pas d’heure pour les braves ». Chaque heure est bonne pour répondre à l’appel du Seigneur, il n’est jamais trop tôt, il n’est jamais trop tard. Nous, comme Marie, nous devons cheminer dans la foi et dans la confiance. Cette foi, cette confiance, exigent de nous beaucoup d’humilité. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas tout maîtriser. Il faut accepter de passer par ce que nous pouvons prendre sur le moment pour une injustice. “Qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ?” pensons-nous. Marie ne s’est jamais posée cette question. Elle est celle qui a cru à la salutation de l’Ange et qui depuis ce moment n’a jamais douté. Jamais elle n’a douté que Dieu était à l’œuvre et dans les épreuves, elle n’a jamais perdu le cap, elle n’a jamais “murmuré” contre Dieu. Elle est qui est notre mère est aussi notre modèle. Il faut se mettre à son école et apprendre, patiemment, à recevoir tout de Dieu, même les épreuves les plus difficiles, les plus douloureuses. Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire ! Mais au cœur de l’épreuve, nous pouvons essayer de nous rappeler les paroles de l’apôtre Paul “pour moi, vivre c’est le Christ”.
Vivre c’est le Christ, c’est pourquoi nous sommes tous des frères comme nous le rappelle le Saint-Père dans sa troisième encyclique «Tutti fratelli».
Paul a connu tous les tourments pour annoncer le Christ au monde, ce Christ qu’il persécutait avec beaucoup de zèle dans sa jeunesse. Même devant ses juges il témoignera de sa foi (Ph 1, 12-26) et de sa joie de voir l’évangile se répandre. Avec les martyrs des premiers siècles il a porté le témoignage de la foi jusqu’au sang. A nous un tel sacrifice n’est pas demandé pour l’instant. Pourtant, c’est notre vie toute entière que nous pouvons mettre au service du Christ et de l’Evangile. Nous pouvons dire avec l’apôtre “vivre c’est le Christ” si nous amarrons chaque jour, à l’exemple de Marie, notre vie à la vie du Christ, si nous prenons l’évangile au sérieux, pour nous-mêmes, pour notre famille, nos amis, afin de l’annoncer largement aux hommes et aux femmes, aux jeunes de ce temps.
La parabole de l’évangile ne cherche pas à nous donner une leçon de justice sociale ou économique, ce serait raté ! Elle veut nous dire qui est Dieu, un père plein d’amour pour tous les hommes, oui tous, même ceux qui un jour conduiront son fils à la potence, briseront le cœur de Marie, même ceux qui le persécuteront et persécuteront ses disciples. A ces hommes, Dieu veut faire le don de son esprit, cet esprit qui a habité de manière plénière et parfaite en la Vierge Marie et qui lui a permis, gardant toutes choses en son cœur, de les comprendre et de s’ouvrir toujours plus à la grâce. Que l’on soit croyant depuis cinquante ans ou depuis cinq minutes, que l’on se soit mis en route sur le chemin du pardon il y a une heure ou dix ans, que nous annoncions l’évangile depuis notre jeunesse ou depuis de notre retraite, cela ne fait aucune différence pour Dieu qui comme un père aimant, vient à notre rencontre à chaque heure du jour et sans doute de la nuit.
C’est cet amour fou qui nous rassemble en un peuple, en un corps. Devant nous, marche Marie mère de l’Eglise, mère des hommes. Elle sait tout de nos joies et de nos souffrances. Elle nous ouvre la voie et nous appelle sans cesse à avancer dans la confiance nous répétant comme à Cana ” Tout ce qu’il vous dira, faites-le” (Jn 2,5).