Homélie donnée par Mgr Colomb pour le 32e dimanche du TO

13 Nov 2017

Homélie donnée par Mgr Colomb pour le 32e dimanche du TO le dimanche 12 novembre 2017
 
1relect. : Sg 6, 12-16
Ps : 62, 2, 3-4, 5-6, 7-8
2elect. : 1 Th 4, 13-18 (ou brève : 4, 13-14)
Évangile : Mt 25, 1-13
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Il est possible de rencontrer Dieu

” La Sagesse est resplendissante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.” La Sagesse dont il est question ici est un attribut divin. ”  Béni soit le nom de Dieu, d’éternité en éternité ! À lui appartiennent la sagesse et la force” (Daniel 2,20).
Le livre de la Sagesse s’adresse aux rois: ” Or donc, rois, écoutez et comprenez, laissez-vous instruire, vous dont la juridiction s’étend à toute la terre.”
Mais en réalité chercher la Sagesse est l’œuvre de tous les hommes chercheurs de Dieu:” Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent.” C’est la Sagesse elle-même qui prend les devants :”  Elle devance leurs  désirs en se faisant connaître la première.”
L’expérience du roi Salomon, bien que nous n’ayons pas de certitude sur l’identité de l’auteur du texte,  est ainsi proposée à tous, au-delà des contingences de l’espace et du temps.  Mais, rencontrer Dieu n’est pas réservé à une élite. Tout homme est en capacité de rencontrer son créateur non pas en raison de son mérite, de son intelligence,  du rang de sa naissance ou de ses capacités intellectuelles mais parce que Dieu a voulu se rendre accessible à sa créature.
Il suffit pourrait-on dire de demander, chercher, frapper à la porte car : “Quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira”. » (Mt 7, 8 et Luc 11,10). Il faut que notre désir soit ardent, notre prière sincère, notre quête incessante : “J’ai prié et le discernement m’a été donné, j’ai imploré et l’esprit de la Sagesse est venu en moi.” Affirme l’auteur du livre de la Sagesse un peu plus loin.  (Sg 7,7) alors Dieu se donne.
Salomon n’avait pas d’autre désir que d’être visité par la Sagesse:” Le roi Salomon se rendit à Gabaon, qui était alors le lieu sacré le plus important, pour y offrir un sacrifice…À Gabaon, pendant la nuit, le Seigneur lui apparut en songe. Dieu lui dit : « Demande ce que je dois te donner. »” (1 Rois 3,4-5). Salomon ne demande ni la victoire sur ses ennemis, ni la richesse, ni la puissance, ni même la vie éternelle, non il dit : “Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal” (1 Rois 3, 9).
C’est avec son cœur que le vrai disciple écoute. L’homme de Dieu est celui qui écoute la Parole reçue dans un cœur à cœur. Il la garde et la médite pour qu’elle le façonne et le transforme de l’intérieur. L’homme de Dieu c’est celui qui, sous la mouvance de l’Esprit et avec la Parole gravée en son cœur”, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. [Celui qui] mène le bon combat, celui de la foi [celui qui s’] empare de la vie éternelle” (1 Tim 6, 11-12)
Dieu cherche l’homme sans doute plus que l’homme ne cherche Dieu. Car l’homme est incapable de trouver le Tout Autre.  C’est la Sagesse elle-même qui depuis le jardin d’Eden nous appelle  sans relâche: “Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre.”
Dieu veut se laisser trouver et tout notre pèlerinage sur terre doit être l’histoire de cette quête amoureuse.” Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas, il la trouvera assise à sa porte.  “Je me laisserai trouver par vous”,  telle est la volonté de Dieu exprimée par le prophète Jérémie (29, 13-14).
Contempler Dieu au Sanctuaire, voir sa force et sa gloire, “Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire”, était réservé aux prêtres et Lévites. Le peuple n’était pas admis à pénétrer  dans le “Saint des Saints”, le cœur du Temple de Jérusalem  où se trouvait l’Arche d’Alliance, coffret de bois précieux qui abritait les tables de la Loi. Les Lévites qui pouvaient prier les mains levées en invoquant le Nom de Dieu, en chantant sa louange : “Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom…la joie sur les lèvres, je dirai ta louange”. Les Lévites recevaient aussi une part de la viande offerte en sacrifice. C’est pourquoi on peut lire: “Comme par un festin je serai rassasié”.
Voir la force et la gloire de Dieu c’est aussi se remémorer comment il a fait « sortir du pays d’Egypte son peuple Israël », comment avec des miracles et des prodiges, à main forte et à bras étendu, Et avec une grande terreur” (Jérémie 32,21) il les a libérés de l’esclavage. “Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste des heures à te parler. Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes.” L’ombre des ailes, c’est le souvenir de l’œuvre de Dieu: “Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte, et comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et amenés vers moi.” (Exode 19,4)
Fourmillant de références historiques,  le psaume 62 pourtant concerne bien le croyant d’aujourd’hui. Derrière les prêtres en prière se trouve tout Israël, et aujourd’hui tout le peuple des baptisés. Nous cherchons le visage de Dieu tout au long de notre pèlerinage sur terre.  “Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme à soif de toi… “. L’homme de foi sait bien que derrière la multitude de ses désirs se cache l’unique désir, le désir de Dieu et qu’une unique chose peut le combler : la contemplation de Dieu. De façon très concrète, très incarnée,  sur une terre pauvre en eau, l’homme de Dieu qui a expérimenté la soif peut écrire : “après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau.”  Le besoin de Dieu est un besoin de tout l’être.  Et la soif de Dieu ne doit jamais nous quitter. S’adressant aux catéchumènes rassemblés à Rome en 2013 le pape François s’exprimait ainsi : “Si la soif du Dieu vivant vient à manquer, la foi risque de devenir une habitude, risque de s’éteindre, comme un feu qui ne vient pas ravivé. Elle risque de devenir « rance », sans aucun sens.” (http://www.evangelium-vitae.org/).

L’Espérance est la porte ouverte de la maison divine

Le chrétien c’est peut être avant tout l’homme de l’espérance. C’est ce qui le met à part du reste des hommes “il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance”. L’espérance est obstinée; elle est portée par la foi. L’espérance était à l’œuvre dans le cœur de la femme syro phénicienne qui se jette aux pieds de Jésus, elle la païenne pour demander la guérison de sa fille. Jésus lui répond “Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens.”. Pleine d’audace, elle ose dire :” C’est vrai, Seigneur, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des petits enfants.” (Mt 7,28).
Dieu lui-même est ébloui par l’espérance qui habite le cœur des hommes : ” A cause de cette parole, va : le démon est sorti de ta fille”, répond Jésus à la femme.
Le poète Charles Péguy a très bien exprimé l’étonnement de Dieu devant l’espérance humaine: “Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance. Et je n’en reviens pas. Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout. Cette petite fille espérance. Immortelle…L’Espérance est une petite fille de rien du tout qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. …C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus. “L’espérance s’appuie sur ses deux grandes sœurs, la foi et la charité. Mais “C’est elle, cette petite, qui entraîne tout. Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle, elle voit ce qui sera. La Charité n’aime que ce qui est. Et elle,  elle aime ce qui sera” (Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912).
L’espérance nous fait voir ce qui n’est pas encore. Elle est porte ouverte sur l’inouï de Dieu. Et l’inouï de Dieu c’est ” Jésus…mort et ressuscité” et par lui et en lui ” ceux qui se sont endormis, Dieu, par Jésus, les emmènera avec lui.” L’espérance c’est la certitude de la bienveillance du projet de Dieu pour l’humanité. “Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en Lui-même pour mener les temps à leur accomplissement : réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. » (Ep 1, 9).
La résurrection du Christ est le cœur de notre foi. “Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi”, affirme Paul sans détours (1 Co 15, 14). Mais nous le croyons “Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts.” (1 Co 15, 20). ” Prémices”, c’est-à-dire premier né de l’humanité nouvelle. En Christ ressuscité, d’une manière incompréhensible pour notre humanité présente, tous les hommes de tous les âges seront rassemblés, du moins ceux qui auront accepté d’entrer dans l’Alliance. Car Dieu est le Vivant et il a conçu un peuple de vivants habité par l’espérance : “Pour ce qui est de la Résurrection des morts, n’avez-vous pas lu la parole que Dieu vous a dite : ‘Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob’ ? Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants”, affirme Jésus aux Sadducéens qui doutaient de la résurrection (Mt 22, 31-32)
L’espérance qui est au cœur des hommes est attente pour la Création toute entière : “Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance ; voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance” (Paul aux Romains 8, 19-25).

Nous avons rendez-vous avec Dieu, préparons nous !

Jésus annonce la venue du Royaume : “Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.” (Mt 4,23). A sa suite les disciples et les Apôtres proclameront : “nous vous avons exhortés et encouragés, nous vous avons suppliés d’avoir une conduite digne de Dieu, lui qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire” (1Th 2,12).
Le Royaume de Dieu est une réalité mystérieuse et nous ne pouvons nous en approcher qu’à travers le filtre des paraboles: “Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux…”
Selon la coutume orientale, un époux arrivant de nuit pour le festin des noces était éclairé et escorté par des jeunes filles, amies de l’épouse. Ecoutons le psaume 44 “Fille de roi, elle est là, dans sa gloire, vêtue d’étoffes d’or; on la conduit, toute parée, vers le roi. Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège”. Dix jeunes filles attendent donc l’époux. Elles ont emporté des lampes car l’attente sera longue. Cinq seulement ont pensé emporter de l’huile pour une attente prolongée. Les dix jeunes filles s’endorment, les sages et celles qui ne le sont pas. C’est un cri qui les réveille : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre!”  Mais la nuit a été longue. L’huile a brûlé dans les lampes et seules les jeunes filles qui avaient emporté une réserve d’huile pourront pénétrer dans la salle des noces. Les jeunes filles  insensées se voient fermer la porte avec cette phrase terrible : “Je ne vous connais pas”.
Le Royaume annoncé par Jésus est un royaume qui vient à pas feutrés. Telle la semence jetée en terre, il doit grandir dans le secret des cœurs, à mesure qu’ils s’ouvrent à l’accueil de la Parole de Dieu.  S’il doit convertir le monde, c’est à la manière du levain dans la pâte (Mt 13,33). Il accepte de croître au milieu de l’ivraie qui pousse sur le bord du chemin (Mt 13,24) car, pour le moment, le Royaume ne peut advenir en plénitude. Nous sommes dans le temps des témoignages: “vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.” (Ac 1,8)  et dans le temps de la supplication : “Que ton règne vienne !” (Mt 6,10)
Car nous ne connaissons “ni le jour ni l’heure”. Et ce temps qui nous est laissé est un temps bienheureux car c’est celui qui nous est donné pour nous convertir et préparer notre cœur. Veiller c’est apprendre de quel amour Dieu nous aime et de quel amour il a voulu que nous nous aimions les uns les autres. Veiller c’est prendre le temps de la prière. Veiller c’est prendre le temps de se laisser façonner par la fréquentation de la Parole de Dieu. Veiller c’est aussi prendre  le temps de la charité, de l’écoute du frère et du partage. Veiller, c’est comprendre cette parole du Christ qui nous secoue : “Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Ce jour-là, beaucoup me diront : “Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus.” ” (Mt 7,21-23). Car ce n’est pas aux prophéties ou aux miracles que seront reconnus les disciples du Christ mais aux fruits de l’Esprit qui sont : “l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité” (Galates 5,22). Voilà un beau programme de vie pour chacun d’entre nous !
+ Georges Colomb
 

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