Homélie donnée par Mgr Colomb pour la veillée de Noël, 24 décembre 2019

25 Déc 2019

Messe de la nuit de Noël

Messe de la nuit :       1relect. : Is 9, 1-6                          Ps : 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc
2elect. : Tite 2, 11-14                                   Évangile : Lc 2, 1-14

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Jésus n’a d’autre royaume que celui de notre cœur.

“Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi”. C’est bien à notre monde que s’adresse ce texte. Les ténèbres semblent tomber sur notre terre. L’année 2019 fut porteuse de son lot de guerres (Plus de 500 000 morts déjà en Syrie depuis le début de l’invasion de ce pays, des attentats, des catastrophes naturelles. L’Europe n’est  pas très présente sur la scène mondiale, elle compte les points. Au Moyen-Orient, la France est devenue un spectateur, tandis que l’Iran et la Turquie s’activent. Nos frères chrétiens, jadis protégés par Saint-Louis, pas les rois, par la République qui avait pris le relais, ont de quoi se faire du souci ! Il n’y a guère qu’en Afrique où la France, seule, vient sauver l’honneur de l’Europe, grâce aux décisions de nos gouvernants et surtout grâce au courage de nos soldats.

L’augmentation de la population en Afrique est une menace de famine et de flux migratoires pour les années qui viennent. La vie et la sécurité de dizaines de millions d’hommes sont menacées. Les dérèglements climatiques jettent sur les routes des milliers de nos contemporains chaque jour.  Nos propres vies ne furent pas épargnées par les deuils, les maladies, les angoisses face à l’avenir. Le mouvement des gilets jaunes et d’autres perturbations nous montrent combien l’autorité de l’Etat est fragile. En plus des crises auxquelles nous sommes habitués depuis des années, ne sommes-nous pas en train de préparer une crise des institutions ?

Les héros proposés à l’admiration de nos enfants sont des supers héros, des Superman qui manipulent des armes terrifiantes. Ceux qui divertissent les adultes sur les écrans  sont bien souvent des gens sans envergure, sans courage, sans vertu, des parleurs souvent vulgaires, qui répètent des slogans, qui véhiculent des idéologies datées, qui hurlent avec les loups et abusent de leur pouvoir. Où sont les valeurs de la République dont on ne cesse de parler ?

Nous-mêmes, adultes, nous nous laissons séduire par la tentation de la force. Le monde sera-t-il sauvé par la violence ? Non…  Ce débat de notre temps était déjà celui du temps de Jésus. Le messie attendu serait-il un roi tout puissant capable de terrasser les ennemis d’Israël ? Ce messianisme-là n’est pas celui des chrétiens. Ni la force, ni la magie, ne peuvent dissiper les ténèbres. C’est la conversion du cœur des hommes rendus capable de s’ouvrir à l’amour de Dieu qui seule peut ouvrir le chemin du salut.

Et voici qu’en cette nuit  se lève une lumière si puissante qu’elle sera capable de dissiper les ténèbres, d’apporter la paix et la stabilité, de faire advenir la joie. Et quelle est cette grande lumière ? C’est un tout petit enfant couché dans le froid d’une étable, réchauffé par la chaleur des animaux et la tendresse de ses parents. Né dans une étable parce qu’il n’y avait pas de place pour lui à l’hôtellerie, comme il n’y a pas de place, aujourd’hui, pour lui et pour sa crèche dans les lieux publics ; comme si la France était née avec la Vème république, comme si l’évangile n’avait pas été annoncé dans notre  pays depuis 1800 ans. Surmontons notre colère et laissons-nous saisir par cet extraordinaire renversement des valeurs que contient cette crèche, car elles sont éternelles ! Chasser la crèche, c’est chasser l’amour !

Le psaume nous rappelle que toute la création perçoit le salut à l’œuvre en notre monde.  La terre et le ciel, tous les peuples et toutes les créatures, la mer et la forêt, exultent de joie, sont invités à chanter au Seigneur.  Un jour enfin l’humanité toute entière aura mis sa confiance dans le Seigneur, et la face du monde s’en trouvera transfigurée.

La venue de Jésus change notre manière d’être : si nous le voulons, nous pouvons faire le bien.

Dieu s’est fait homme  et “la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes”, nous dit Saint-Paul. Dès lors, notre manière d’être en ce monde s’est trouvée modifiée. Il y a bien un avant et un après l’Incarnation, car Dieu “s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien”, comme l’écrit Paul à son compagnon Tite. Faire le bien, voilà ce qui est le signe de l’homme transformé par la grâce de Dieu.  Ce bien dont nous sommes capables, c’est notre part de travail attendue de Dieu pour le salut du monde, c’est notre dévouement…

Dieu a besoin de notre conversion pour que l’humanité entière entre dans le chemin de la rédemption. N’ayons pas peur d’être des chrétiens qui vivent de la liberté de l’esprit de leur baptême. Ne nous laissons pas impressionner par l’appauvrissement du débat public  qui fait peu de cas de la vie humaine, des droits de l’homme. Nous, chrétiens, sommes invités à suivre un chemin de dignité, celui du Christ ! Notre Dieu est né dans une crèche, il est mort sur une croix pour ressusciter. Nous le savons ; des langes de la crèche au linge du tombeau vide, il nous trace un chemin d’humilité qui fait taire toute forme de peur ou d’orgueil. Surmontons nos divisions, faisons taire nos haines, travaillons pour un monde plus juste et pacifié, unissons-nous autour de Jésus et rendons témoignage de notre foi dans l’accomplissement des promesses de Dieu “attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ”. Recherchons dans nos vies de quelle manière nous pouvons faire le bien ! J’ai célébré la messe dans les deux établissements pénitentiaires de l’Ile de Ré samedi et à Bédenac ce matin, je peux vous assurer que nos frères chrétiens qui visitent régulièrement les prisonniers savent ce que ce que signifie : faire le bien ….Nous pourrions trouver de nombreuses illustrations de la façon de faire le bien en commençant par la vie de nos familles…

Contemplons la tendresse de l’enfant de la crèche dans sa petitesse et écoutons l’appel divin lancé à l’humanité.

Le prophète Isaïe avait annoncé  une immense lumière capable de déchirer toutes les nuits. La promesse s’accomplit en la personne d’un tout petit enfant couché dans une étable. Dieu est là, dans l’humilité et la vulnérabilité. Dieu ne veut pas faire peur aux hommes. Il connaît leur faiblesse et leur péché et il s’approche d’eux avec délicatesse. C’est de nous qu’il attend des signes d’amour, lui qui est l’Amour, c’est de nous qu’il attend des signes de fraternité, lui qui est l’Ami, c’est de nous qu’il attend des preuves de confiance, lui qui est l’Espérance.

Mais nous, comment accueillons-nous cette tendresse ? Ouvrons-nous nos cœurs pour nous laisser trouver par Dieu ? Demeurons-nous enfermés dans la citadelle de nos certitudes, dans la prison de nos peurs, dans le confort de la médiocrité ambiante et de notre péché ?  Permettons-nous à Dieu de nous aimer, nous laissons-nous convertir, transformer, remodeler par cet amour ?

La nuit du monde est profonde et le cri qui la déchire est celui des pauvres, des désespérés, celui de nos frères chrétiens d’Orient qui comme Marie, Joseph et l’enfant Jésus prennent la route de l’exil. L’humanité a besoin de sens. Ne soyons pas les complices de la mondialisation de l’indifférence que dénonce le Saint-Père. Si nous nous laissons convertir jusqu’au plus intime de nos vies, nous deviendrons les missionnaires de l’Amour, les apôtres de Dieu qui ne cesse de venir visiter ce monde pour le sauver.

Contemplons l’Enfant de la crèche et demandons-lui cette grâce de la conversion. Dès cette nuit répondons à l’appel du pape François “J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce que personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur”  (La joie de l’Evangile n°3).

Et pour nous aider, Marie notre mère est là. “Elle est la petite servante du Père qui tressaille de joie dans la louange. Elle est l’amie toujours attentive pour que le vin ne manque pas dans notre vie. Elle est celle dont le cœur est transpercé par la lance, celle qui comprend toutes les peines. Comme mère de tous, elle est signe d’espérance pour les peuples qui souffrent les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que naisse la justice.

Joyeux Noël, chers frères et sœurs, demeurez dans le cœur de Jésus, contemplez sa tendresse et vous ferez le bien !

Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

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